Poupée (4)

30 mars 2014 § Poster un commentaire

Still life-Princess Diana_david-lachapelle David LaChapelle

David LaChapelle

J’étais dans cette grande maison avec Cé. Nous cherchions un coin tranquille car il semblait acquis que nous devions fuir les autres invités, nombreux, de cette soirée. Déjà, sur un vaste canapé, elle s’était assise à côté de moi, m’élisant. D’autres n’avaient pas compris ou faisaient mine de ne pas comprendre, et ne cherchaient pas à s’asseoir entre nous, mais à côté pour tenter encore une approche. Nous errions dans de grandes salles, des couloirs, de l’eau par terre plusieurs fois et des vélos mêlés à des décombres rendaient peu praticables des passages, et peu à peu nous renoncions à nous isoler. Ce n’est pas le premier rêve qui entretient cette maison ; il semble que j’ai failli la louer. Il y a toujours une pièce que je découvre habitée d’une famille courtoise. Ou une pièce que je découvre dans l’appartement, dont la porte, masquée depuis dans le papier peint ou la peinture, ouvre sur un espace abandonné que je vais pouvoir investir.

Elle n’arrive pas à être neutre, elle met tout le temps les mains à angle droit avec le corps pour faire la fille. Elle porte des jupes qu’elle remonte jusqu’au nombril et elle en est à sa deuxième teinture. Elle a douze ans. (Remarque de Carlotta sur une fille du cours de théâtre).

Se prononcer ou bien danser

30 mars 2014 § Poster un commentaire

Arms of a dancer - Thèmes et variations (Germaine Dulac, 1928)

Arms of a dancer – Thèmes et variations (Germaine Dulac, 1928)

Se prononcer

30 mars 2014 § Poster un commentaire

Aurélien Arbet and Jérémie Egry, I would prefer not to (2005)Aurélien Arbet and Jérémie Egry, I would prefer not to (2005)

Les diables

28 mars 2014 § Poster un commentaire

Nous attendons les passages, celle ou celui qui n’a pas que ça à faire, ou bien si, passe par la rue Jacques Callot qui n’est pas une rue très passante. Anne (Bonnin) ce soir s’arrête à notre table. Je sens Pierre tendu. Nous sommes trois, Francesca, Pierre et moi. Anne nous connaît tous trois de façon différente. Sa présence me rappelle que nous avons passé un réveillon rue André Gill ensemble, avec T.C. et N.K., il y a onze ans. Pierre est mutique. Anne demande si Francesca est mon amoureuse. Nous sourions sans même avoir besoin de dire non tant est visible sa façon de mettre les pieds dans le plat, un plat qui n’est pas le mien. Elle me dit aussi que j’aime la provocation (?). Peu importe, c’est plaisant de discuter quelques minutes ainsi sur un mode de petites piques malignes et plutôt gentilles. Elle doit rentrer, a un truc à écrire. Pierre lui sert du vin, mais elle ne boit pas. En fait, elle dit que je suis le diable, que Pierre est un diable débonnaire, mais que je suis un diable (j’ai oublié l’adjectif), bref, elle ne boit pas, doit partir. Elle reçoit un coup de fil. C’est T.C. Je lui demande de me passer le téléphone et joue un instant l’énigme, alors, qui suis-je ? Marie (Binet) qui dînait à une autre table nous rejoint, et c’est le signal du départ pour Anne. Nous avons beaucoup parlé de son appartement de la rue Visconti (600 euros pour 45 m2) qu’elle doit quitter après 17 ans de location pour aller habiter avec T.C. J’ignore toujours s’il s’agit de délicatesse ou d’inintérêt, mais elle a également une façon d’éluder toute une série de questions sur ce que fait Pierre ou Francesca ou moi… Nous en venons aussi à parler de ces séances de gym très chics qu’elle continue et où se rencontrent G.B., C.B., des comédiennes, des éditrices, et que fréquente Francesca.

A dix-neuf heure quinze, j’ai foncé métro Laumière voir Dominique Quélen qui signait son livre Énoncés types. Je suis entré dans la librairie discrètement, j’ai regardé les ouvrages sans y trouver le mien, hélas !  j’étais déçu, et j’ai maudit intérieurement cette librairie de quartier qui organise des signatures de poètes, se pique d’exigence et met en avant la batterie des livres qui marchent, et surtout pas le mien. Une femme ostensiblement poète, ou versée dans les lettres, discutait avec Dominique, âgée de deux ans de moins que lui, a-t-elle fait remarquer, ai-je entendu. Les gens étaient tous avenants, regard clair et intelligents, laissant aller leurs cheveux gris où ils veulent, et discutaient de bon aloi. Je m’empêche de généraliser sur ce type de réunion parce que Dominique est présent et que je ne me sens pas départir, cependant je sais que malgré cette amitié je ne pourrais soutenir aucune conversation, ne pourrais être d’accord avec aucun d’eux, et qu’il faut fuir. Jacques Roubaud était arrivé, accompagné. On fit venir une chaise ou bien il élut un tabouret, tandis que sa compagne honorait de sa présence les conversations de petits groupes comme il s’en crée en pareille occasion. J’aime les livres de Jacques Roubaud. Ce que je veux dire par là serait la négation d’une critique quelconque de cette soirée, que le point noir, mal établi et hargneux, c’était moi. J’ai discuté avec Dominique qui m’a expliqué ses angoisses, sa peine à lire même à cause des angoisses (angoisse qui, je me le permets en la retranscrivant, rejoignait la mienne). Sa présence ici parmi ces amis l’angoissait également. J’ai réalisé qu’il allait lire (j’aime beaucoup sa façon de lire), qu’il y aurait une sorte de petite performance, mais je devais partir, et moi aussi, les gens commençaient à m’angoisser avec leur intelligence. Le milieu des poètes est un milieu très pointilleux. Je me souviens, à la Sorbonne, je travaillais souvent avec une fille (son prénom ?), nous nous échangions des cours, travaillions, nous passions des fiches de lecture, etc.; son mec était poète, publiait des plaquettes, participait à des lectures, et elle semblait souffrir de l’exigence qu’il plaçait partout. Accessoirement, il se montrait jaloux et, bien que nous nous connaissions, il nous prêtait une liaison, et il serinait sa fiancée de propos ironiques à mon égard pour lui faire avouer cette vérité dont il n’était pas dupe. Je le trouvais gentil, sympathique au début, puis de moins en moins. Et j’ai commencé à détester la poésie faite de cette façon. Elle et lui se sont quittés. Elle et moi nous sommes revus ensuite, peu de temps. J’ai repris mon vélo et j’ai foncé au vernissage d’Eléonore Pironneau ; Pierre en sortait qui allait au bistrot d’à côté m’attendre. Je suis entré et me suis tout de suite assis en vitrine à côté de Tito pour écouter de la musique sous un casque, face à un tableau de l’expo. Anne (Brenner) est sortie et a rejoint Pierre au bistrot. Puis moi aussi. Dans ce bar, Anne a aperçu un comédien (Louis Garrel), le plus ceci-cela, selon elle, et je disais c’est vrai, et elle était au courant de ses liaisons, de ses amours, et elle en parlait. Pierre a dit qu’il imitait Jean-Pierre Léaud. Je ne me suis pas mêlé à la conversation, parce que j’adore Jean-Pierre Léaud et aime bien aussi Louis Garrel. Je suis parti lire le catalogue de l’exposition d’Anne à une table plus éclairée : la page qu’elle m’avait proposée d’écrire et que je n’ai pu faire à temps, disons ça. Ensuite, nous finissons notre verre au bar, voyons le comédien enfourcher son vélo et partir. Pierre et moi allons partir aussi. Anne dit non, je vais fumer en terrasse, attendez-moi, Alain, écris un truc sur ce comédien. (???) Nous prenons place avec elle et j’écris un truc qu’elle place transformé sur Facebook.

Au Mazarin, après l’arrivée d’Anne (Binet), la tablée avec laquelle elle avait dîné se joint à nous : Iojiro (?), Laetitia, un type toujours ivre. Puis arrive Hubert. Pour les départs : Marie part avec Francesca en scooter. Iojiro part. Le type ivre est parti depuis longtemps. Nous sommes Pierre, Laetitia, Hubert et moi. En fait, Laetitia est la femme avec qui Iouri fumait jeudi dernier ; elle agaçait Corinne ; ce soir, elle agaça Francesca ; et moi, je la maudis. Et donc je pars, les laisse tous trois.

Chaque vendredi matin, la soirée de la veille qui a travaillé toute la nuit en combinaisons de phrases et agencements d’idées magnifiques appelle son souvenir, lequel, avec les heures de la journée, avec la retombée des excitations, s’épuise dans les termes et finit par crever pour donner ce pâle compte-rendu où je reconnais à peine ce que j’ai vécu. Pourtant, voilà ce que j’ai fait hier, grosso modo.

Et vers dix-neuf heures, quittant l’entrée-bureau pour la cuisine, j’aperçois une barre de soleil qui coupe encore la chambre ; soleil que j’avais vu se lever (comme maintenant samedi, à 6 h 25) au-dessus des toits le matin et qui aura fait le tour de l’appartement.

Plusieurs soirées en une

21 mars 2014 § Poster un commentaire

Ce matin, j’avais l’impression de devoir noter de nombreux petits événements de la veille, mais ce soir, je me sens court.

Niki de Saint Phalle et Jasper Johns, 1961Niki de Saint Phalle et Jasper Johns, 1961

Vernissage d’Anne Brenner dans le Marais. Je retrouve Pierre, Pierre (Loyau), Robert, que je n’ai pas vu depuis longtemps, Tito, Jean-Marie (Pironneau), Silvia qui retrouve des amis des Beaux-Arts. J’avais envie de lire le catalogue sur l’exposition mais l’imprimeur a pris du retard et le catalogue n’est pas arrivé. Robert en veut à Colin : il lui a prêté, raconte-t-il, vingt-cinq fois son studio pour un jour ou deux, et, alors qu’il a besoin d’un hébergement une seule fois, Colin dit qu’il ne peut pas, qu’il est dans une phase de création. Robert, pour imiter Colin, joue l’emphase, se tortille les cheveux de manière outrée. Voilà ce qu’on fait dans les vernissages, on boit un coup et on discute. Marisol and Andy Warhol at an Opening of John Willenbecher’s work at Feigen and Herbert Gallery, New York, 1963Marisol and Andy Warhol at an Opening of John Willenbecher’s work at Feigen and Herbert Gallery, New York, 1963

Nous nous demandons si nous rejoignons Le Mazarin ou bien si nous cherchons un restau dans le coin, non, ce sera Mazarin. Pierre fait activer les choses, comme si nous étions en retard sur un programme ! Jean-Marie, Pierre et moi partons en vélo. Nous croisons Robin qui cherche l’exposition, s’est perdu.

Au Mazarin, Patrick ne nous attendait plus, des amis sont passés pour savoir où on était ; il nous présente deux nouveaux serveurs : Joss et Témo (ce dernier, avec qui je discuterai plus tard, est d’origine géorgienne, connaît Kéthévane, Nathéla, leur mère). Nous nous asseyons à la même table qui nous semble attribuée d’emblée. Je m’assois à la première place, dos à l’extérieur, Pierre à mes côtés, Jean-Marie, face à Pierre. J’aperçois alors Lionel, le pas lourd et le visage brillant. Il faut lui payer à dîner. Son père lui a coupé les vivres après son voyage en (j’ai oublié). Aucun de nous trois ne dit oui, parce que ça commence à bien faire. Toujours déjà glauqué par ses médicaments, plus alcool, Lionel devient même un peu agressif, citant Balthazar Gracian et plus Kant, par aphorismes. Lionel se nourrit de phrases. Il y a une sorte de chose ironique dans son regard, de hauteur, qui lasse. Colombe vient s’asseoir en bout de table entre Pierre et Jean-Marie? Nous cherchons quand nous nous sommes vus sans trouver, il y a une quinzaine d’années. Nous nous revus également au Théâtre du Rond-point, avec son frère. Je reviens des toilettes et la table est fâchée du départ sans crier gare de Lionel, qui, en fait, a dîné, puis est parti. J’aperçois Hélène chargée de sacs. Elle s’assoit à ma droite, à la place de Pierre, qui était debout. Elle est contrariée : elle a aperçu Hubert avec une autre femme au bout du restaurant. Hubert nous rejoints ensuite ; elle et lui se disputent doucement devant nous qui continuons de parler. Plus tard, Hubert se met debout et explique comment on lui a cassé le nez ; ce n’est pas du tout lors d’un entraînement de boxe, mais lors d’une bagarre. Nous avons déjà parlé de boxe un autre soir. Lui a été champion de France amateur. J’ai dû en faire en tout et pour tout quelques mois, je ne m’en souviens pas, à Port-Royal, en tant qu’étudiant, autant dire rien. J’ai raconté à Hubert, l’entraîneur Charley (Charles Attali), qui, la clope au bec, nous disait les petits gars faut pas fumer, ça coupe le souffle. Charly était l’entraîneur de Hubert également, au même endroit.

De huit heures et demie, neuf heures, à minuit, à peu près, chaque fois, les passages, les déplacements de chacun d’une chaise à l’autre et la table qui se reforme, sans parler de conversations qui s’amorcent à une autre table, du comptoir, ce sont plusieurs facettes qui s’ajoutent au plan initial.))))))))

Triste

19 mars 2014 § Poster un commentaire

J’écoute Push and pull

. La musique de variété a cette capacité à propulser dans des souvenirs qu’on nappa dans des couches distraites. Parce que j’écoute maintenant Becomes the Color

et c’est même chose. Cependant, un fond de tristesse tapisse l’instant.

Puis écouter ça, The Angry River.

Triste ou fatigué. Fatigué.

Première terrasse

14 mars 2014 § Poster un commentaire

Mais je prends quand même le bus. Pierre, finalement, arrive beaucoup plus tôt que moi et fait son tour, prend un verre au Chai avec son frère, visite une expo. Donc, je suis faux premier au bar. Une table nous est réservée, la même. Anna (Biret) revient de Cuba, me raconte au comptoir. Nicole (?) se joint à nous ; et nous allons nous asseoir. Pierre arrive, puis Roxane, dans un ensemble noir très compliqué, et chaud, sur une doudoune qu’elle n’ôte pas, sac Kelly dont elle extrait Poupée ; elle va mieux, doit passer en chirurgie ce mardi pour l’esthétique. Nicole s’en va. Je voudrais bien parler à Pierre de liant et de peinture, mais Roxane dit on est là tout de même. Anna raconte la vie à Cuba. Iouri, Corinne, une autre femme (?), un autre type prennent place, certains dînent, d’autres non. Anna repart à la galerie de Laurent porter un truc à un mec et Roxane l’accompagne puisque nous ne leur parlons pas ou peu. Leurs plats sont servis comme elles ne sont pas là. La fille et Iouri se lèvent pour fumer hors terrasse, craignent que les serveurs reniflent l’odeur. Roxane apprend qu’il y a de l’herbe, veut goûter, il y a tellement longtemps. Très décousu.

Pépierre est mort, arrêt cardiaque. On ne lui prêtait pas vie après trente ans ; il avait un problème cardiaque. Jeanne dit je suis débarrassée de mon grand amour.

La question de la place

10 mars 2014 § Poster un commentaire

C’est une question de place, tout le temps. Prévenu par Facebook, je sais Tito présent ce jeudi. Il est là effectivement, me montre Patrick à qui je sers la main en entrant dans le restaurant, en terrasse, face à François (Fries). Je les rejoins, m’assieds à droite de François, et aussitôt, Tito se lève et va s’asseoir à la dernière chaise face à nous. Il y a trois tables réunies (1 + 2 + 3 (chaque table, carrée, comportant deux places)) et ils occupaient la première, l’un en face de l’autre. Tito occupe donc maintenant la trois seul ; j’occupe la 2, face à personne et François toujours la 1, face à personne. Cette disposition temporaire ne facilite pas les échanges ; Tito expose ses arguments : là où il était, le chauffage d’appoint lui tapait en plein sur le crâne ; d’autres viendront qui méritent plus que lui de présider ou d’occuper la place du centre. Un effacement de sa part que je pèse en même temps que j’essaye de le justifier : l’âge, son retrait d’ici qu’il a beaucoup fréquenté, mais qu’il déserte depuis des années, une conscience excessive de sa surexposition, une amende honorable étrange. Jean-Marie arrive qui s’assoit face à moi, puis Pierre (Loyau) et Pierre, et en même temps Anne (Brenner) surviennent. Jean-Marie a sorti Poupée afin que je le lui dédicace ; mais nous sommes levés et nous demandons bien comment nous disposer. Nous nous décidons. Tito reste à la table 3, face à Pierre; table 2 : Anne face à moi et table 1 François, face à Jean-Marie et à sa gauche Pierre (Loyau) qui occupe le versant surnuméraire. Le placement s’effectue dans un mélange d’habitude, d’affinité, d’ancienneté dans la relation de l’un à l’autre, de galanterie et parfois de surface de contact de l’un à l’autre : ainsi, tous se connaissent depuis le lycée ou les Beaux-arts, cependant tous ne sont pas aussi assidus à l’endroit. Le vin est servi et se boit. J’étais embêté depuis plusieurs jours avec le texte qu’Anne m’avait demandé d’écrire pour son expo ; j’avais prévu de le terminer dans la journée et vendredi ; mais, dans la matinée, elle m’a dit que si je n’avais pas le temps, ce n’était pas grave ; j’ai d’abord cru à une sorte d’élégance de sa part : elle me soulageait d’un travail pour lequel je m’étais toujours senti très court ; par ailleurs, elle m’a dit qu’un de ses amis philosophe y travaillait, et comme il voulait devenir critique d’art, c’était mieux. Encore une fois, je soupçonnai qu’elle inventait un ami pour me décharger d’écrire sur sa peinture, afin de m’ôter de la peine où j’aurais été. Nous étions donc assis l’un en face l’autre, et je voulais lui dire que j’aimais sa peinture, ce qu’elle savait, je pense, mais aussi lui montrer que j’avais travaillé dessus ; et donc je me mis à donner des exemples des angles par lesquels je commentais ses toiles, multipliant des références déplacées, me targuant d’avoir décelé des subtilités, l’assommant par le nombre des perspectives qui prétendument eussent éclairé ses oeuvres. Elle, souriant poliment, disant ah bah dis-donc ! Ce n’est qu’après coup évidemment que je mesurais l’inadéquation de mon charabia, déballé pour me dédouaner d’un travail dont je n’avais pas été à la hauteur (faute de temps, me disais-je). Pierre, le lendemain, au téléphone, à qui je racontais mon sentiment,  me dit non, mais non, c’est la conversation.

Ce même soir, Alexandrine et son amie Karin, qui avaient dîné avec deux amis partis tôt, ont rejoint notre table.

La plateforme WordPress sur laquelle j’écris a supprimé le plugin qui permettait d’intégrer des photos relatives au texte, et c’est une calamité. A écrire, ces photos me distrayaient ; à lire, je suppose qu’il y avait également un attrait.

Colle liant

1 mars 2014 § Poster un commentaire

Il y a forcément la pensée, ou à peine une pensée, l’intuition que ça ne va tenir pour se relancer dans un travail et recommencer à faire tenir, c’est sans fin. Quand le lien est bricolé, il y a aussi la satisfaction de reprendre à un autre endroit. On trouve également sa propre façon de lier.

Ramasser les déchets, collecter des bouts, les rapporter et les reformer pour en fabriquer quelque chose, gagner sa vie ainsi (un poulet rôti). L’esprit de bricoleur (différence : bricolage a une fin d’usage ; ici, non, c’est d’autant plus difficile).

— Coller pour réparer ce qui a été cassé, séparé, éparpillé. L’idée du grand tout (canadien), la collection de collections (Blackstock).

Pourtant, il y a le sentiment de la fin, c’est fini quand ?

Le crayon, la peinture, tout marqueur contient son propre liant ; il est à la fois marqueur et adhésion au support. Le ready-made réalise le miracle de ne pas intervenir sur l’objet

D’abord il y a saisi d’une structure, de quoi agglomérer les restes, planche, amoncellement : soit coller deux choses hétérogènes, soit amasser et coller ce tas complexe (Pierre-Gilles de Gennes), faire adhérer.

Le Monde du jeudi 6 mars, « Réparer une plaie ou une perte de substance au niveau de la peau ou d’un organe profond comme le cœur ou le tube digestif sans la moindre suture ? Chirurgiens et chercheurs rêvent d’un adhésif idéal pour les tissus biologiques : doté de bonnes propriétés mécaniques et élastiques, non toxique et résistant à l’humidité et au flux sanguin. Pour cela, plusieurs approches sont explorées.

Ainsi, la toute jeune société Gecko Biomedical – créée en mai 2013 – s’est lancée dans le développement d’une génération de colles biodégradables, inspirées de différents modèles existant dans la nature (biomimétisme). « Notre objectif est d’apporter des solutions à des problèmes très précis, principalement en chirurgie mini-invasive ou endoscopique, avec une gamme d’élastomères dont on peut modifier les caractéristiques élastiques et la viscosité en fonction des besoins, souligne son directeur général, Christophe Bancel. A terme, cette technologie sera même capable d’incorporer des molécules bioactives, permettant des traitements in situ. »

Un premier produit, gel de polymères synthétiques, a été testé avec succès chez des porcs, permettant de refermer des plaies au niveau des artères et même du cœur, sans aucune fuite. Les résultats ont été publiés dans la revue Science Translational Medicine le 8 janvier… »

Faire corps. Entre physis et tekhné, accès ici au contingent.

Comment fait-on une série ? Pourquoi toujours la même chose ?

Les cadres-fenêtres des cabanes. Besoin de nommer, en passant par la métaphore (les cocons de Scott), la ressemblance (les cabanes, les fusils).

Brouillon pour P.L., la caméra est présente, proche d’eux, ils ne s’en soucient pas, fermés au champ qui pourrait les aliéner. La mystique qu’on prête aux premiers photographiés, comme on dirait aux premiers chrétiens. Le regard qui vise à côté de la cible, voit l’appareil, mais pas l’au-delà photographique, le projet et sa réalisation. Ils ne sauraient jouer un rôle d’artiste (la dimension de quelque jeu semble même totalement absente (type avec ses moulinets à vent, vélo chargé ; il dit je ne sais pas comment je les appelle, des tourniquets, pas des moulins à vent, il dit tourniquet, il ne sait pas pourquoi il les fabrique; il se tourne vers le mur de parpaing et dit j’ai commencé quand ils ont construit ce mur entre les maisons, il n’y avait pas de mur avant (à vent)) ) ; ils sont eux et à ce qu’ils font. Ils n’arrêtent pas. Le continuum de l’oeuvre, toujours la même chose, s’accomplit sans arrêt et correspond à un continuum du geste de faire.

Physis/technè :

Physis (comme natura) signifie naissance ; Empédocle emploie le mot pour dire qu’« il n’y a naissance [ϕ́υσις] de rien, mais seulement mélange, échange de choses mélangées »(Ency.Univers.)

Et techné, cf. CASTORIADIS,  C.,  Les  carrefours  du  labyrinthe,  Seuil,  1978,  p.  222-224 : « Technique, du grec technè, remonte à un verbe très ancien « teuchô » (uniquement mais innombrablement attesté par les poètes, radical t (e)uch-, indo-européen *th(e)uch-), dont le senscentral chez Homère est «fabriquer», «produire», «construire»;teuchos, «outil», «instrument», est aussi l’instrument par excellence: les armes. Déjà chez Homère s’accomplit le passage de cesens à celui de causer, faire, être, amener à l’existence, souvent détaché de l’idée de fabrication matérielle, mais jamais de celle de l’acte approprié et efficace ; le dérivétuktos, «bien construit», «bien fabriqué», en vient à signifier achevé, fini, complété; tektôn, au départ le charpentier, est aussi chez Homère l’artisan ou l’ouvrier en général, et ultérieurement le maître dans une occupation donnée, finalement le bon constructeur, producteur ou auteur. Technè, «production» ou « fabrication matérielle », devient rapidement la production ou le faire efficace, adéquat en général (non nécessairement relié à un produit matériel), la manière de faire corrélative à une telle production, la faculté qui la permet, le savoir – faire productif relatif à une occupation et (à partir d’Hérodote, de Pindare et des tragiques), le savoir-faire en général, donc la méthode, manière, façon de faireefficace. Le terme arrive ainsi à être utilisé (fréquemment chez Platon) commequasi-synonyme du savoir rigoureux et fondé, de l’épistèmè. Dans la période classique, il est connoté par les oppositions technè-paideia (occupation professionnelle lucrative opposée à l’apprendre désintéressé), technè-tuchè (causation par un faire efficace car conscient, s’opposant à un effet du hasard), enfin technè-physis. Les stoïciens définiront la technè comme hexis hodopoiètiké, « habitus créateur de chemin».

Et terminer par, ce que l’on voit, c’est que les puissances artistiques viennent de l’impouvoir absolu sur le monde, de détritus, de matériaux récupérés, de bouts de trucs. Et la légende… Ils sont des légendes. Principe supérieur de l’humour, automythographie (André).

J’ai fini le livre d’Harper Lee depuis quinze jours. Moui. En fait, depuis que j’ai su que la version cinématographique du livre avait choisi Gregory Peck pour incarner Atticus, j’ai aperçu ce comédien et ses pseudo mollesses derrière, des bontés. Gregory Peck

Gregory Peck joue Atticus FinchDans le rôle.

Ce qui était agaçant également c’était la bannière sous laquelle ce livre apparaissait : celle de livre culte, qui en fait correspond à un fort tirage mélangé toujours à la discrétion voire la réclusion de son auteur ou bien, au contraire, à ses frasques. Qui lit Burroughs ou Bukowski en entier ? On ne cite d’eux que des phrases ; on en arrache des aphorismes ; on les place dans les bibliothèques, comme Nietzsche, Deleuze, Debord : qui eux-mêmes sont des auteurs dont on extrait des aphorismes pour trancher. Mais c’est vrai qu’on a toujours besoin d’un couteau pour penser.

Où suis-je ?

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