anniversaire toujours décalé

28 août 2014 § Poster un commentaire

Les gestes et le soin des vendeurs aux clients, la démarche même d’entrer dans une boutique, cette après-midi (nous avons rendez-vous à 16 h 15), semble une ancienne coutume. Pourtant Arthur et moi ne sommes pas seuls dans ces magasins. Il a repéré une paire de chaussures ; nous l’avons regardée, comparée sur des sites. Et non, nulle part, un prix imbattable ne nous fait renoncer au fait de nous rendre dans la boutique. Il voulait que je sois là pour jauger le cuir. C’est son cadeau d’anniversaire, trois semaines après. Nous notons que les rayons sont plutôt déserts et, que, dans les rues avoisinantes, ce sont surtout des Chinois qui se promènent avec de gros sacs. Achat fait, il me raccompagne jusqu’à Chaussée d’Antin. Nous devisons. Ce soir, jeudi 28 août, nous fêterons son anniversaire. Je suis amer.

On ne veut pas intéresser bassement ; on soupçonne que l’intérêt est toujours bas. Cependant, on est totalement dévasté de ne pas intéresser. Il ne reste plus qu’à promouvoir cette dévastation ou cette façon qu’on aurait eu de ne pas céder à des bassesses, et de revenir souvent sur ces façons d’être si différent. Cette démarche ne pourra que nous attirer reconnaissance et intérêt. Qu’on accepte dès lors comme la juste rémunération d’un travail sinon sur le monde et ses ficelles, au moins sur soi.

combatElisabeth Bergner for Dona Juana (1927)

Combattre son reflet, son ombre, une mouche. Soigner son geste. Ne pas douter. Trop douter tue tout.

Existe un point de fission de soi avec cette conscience, de soi avec la bassesse. Il y a aussi le pacte avec le diable : plus que le contrat, la signature même vaut alors oeuvre.

Sous les applaudissements de la chasse d’eau, on se refroque, un dernier oeil, en tant qu’auteur, qui vérifie une netteté, on referme l’abattant, et on quitte la pièce, soulagé. Donner corps à des métaphores a toujours un côté tiré par les cheveux et lourd. Ou bien c’est l’idée de départ : ce spectacle est une merde. Cependant que tout est parti du bruit de la chasse d’eau qui évoquait des applaudissements (ironiques). Sortant des toilettes, le déferlement d’eau surprend ; on se veut discret, imperceptible.

La série avait beaucoup de succès. Après deux saisons, les parts d’audience dépassaient les espérances des producteurs. Les recettes publicitaires explosaient. Les moindres sorties des comédiens étaient commentées, filmées, surexposées. L’un d’entre eux, héros sinon pierre angulaire des vingt épisodes écoulés, demanda une augmentation faramineuse, sinon rupture de contrat. Discussion producteur/scénariste/avocat. La saison 3 débuta par l’assassinat de son personnage. Succès énorme. Chaque comédien, doté de son avocat, voulait maintenant son augmentation, tous ignorant encore les causes et les effets des exigences de la vie sur la fiction, et tous, savamment, voyaient mourir leur personnage. C’était, de la part du duo scénariste/producteur, comme une sorte d’intransigeance bénéfique, de felix culpa, de géhenne exquise qui forçait à remanier le récit du tout au tout à chaque épisode, à rebondir, à faire du nouveau tout le temps. Tout le monde mourait. Pourquoi ? Comment ? Les spectateurs étaient de plus en plus nombreux à suivre l’hécatombe. Il n’y avait plus de héros que d’un instant. C’était formidable et horrible. Tout le monde était sur le fil. Le suspense porté à une telle limite vacillait dans sa définition. On n’était pas bien sûr d’avoir reconnu tel acteur dans tel rôle, effacé après une seule séquence. Engagé à vil prix, tous les comédiens voulaient cependant participer à une telle aventure qui les propulsait ensuite, ou redorait leur carrière. Le scénario prenait des virages… Il n’y avait pas non plus trente-six histoires susceptibles de tenir la gageure : épidémie, guerre, zombie… (ce matin, 6 h, on dirait la trame de Mes Gaillards)… L’amour même était voué à l’éphémère pour peu qu’un des passionnés demandât un supplément.  ((L’audience chuta alors, parce qu’on s’attaquait à l’amour, expliqua-t-on. Sur une chaîne, une série sise dans des décors différents prit le relais. Le principal problème est le comédien et ses ressorts trop humains ; peu importe, au reste, sa puissance d’incarnation : l’histoire les guette. La grande innovation : le scénario menaçait tout le monde.

dimanche + août

17 août 2014 § Poster un commentaire

Donc silence. Eveillé à 5 h.

Terminé un article, envoyé, approuvé, mais retravaillé. Mais on est encore le 18 août. Mois très long. Courses à Carrefour rue Amelot. Les caissières désœuvrées, même un lundi. Parler aux commerçants. Parler aux pépins du citron pressé qui s’insinuent dans les lentilles, les en extraire de la fourchette. Non, non, poubelle.

Mardi 19 août. Bon, des nouvelles du type à poil, 20 h 58, il est à quatre pattes devant sa propre fenêtre et observe le dehors, 20 h 59, il se redresse, attrape un truc blanc, non, il se remet en position à genou, se frotte le bas-ventre ; j’hésite à tirer le rideau, je crois qu’il ne me voit pas ; lui-même se situe dans son obscurité, croit-il, et le mois d’août ; de là où je suis je ne sais pas ce qu’il bricole sur sa bite, il frotte et regarde vers le dehors, puis regarde au dehors, et ma direction bien sûr. Je dispose d’un tout petit angle entre mon ordinateur et le montant de la fenêtre pour l’observer en même temps que j’écris, 21 h 02, il est toujours sur sa bite, à genoux, la regarde et la touche d’une main. Il se relève. Il est à une cinquantaine de mètres, plus peut-être. Maintenant, le rectangle de sa fenêtre est noir. Va falloir que j’allume, je ne vois plus les touches pour les accents notamment, même si la lumière de l’écran de l’ordi et ma connaissance du clavier et les automatises de frappe me permettent de continuer à écrire. Lueur blanchâtre à sa fenêtre, je me demande s’il m’aperçoit éclairé justement par mon écran. 21 h 09. Je n’allume pas. Ces jours derniers, une chaise avec une veste sur le dossier lui ont servi de paravent. Jour et nuit, fenêtre ouverte, alors qu’il faisait plutôt froid ces dernières nuits. Je ne ne le vois que lorsque le soleil cesse de taper mes fenêtres et l’ordi et que je peux tirer le rideau, l’ouvrir. Il perd ses cheveux et son corps est velu. Il n’a pas allumé alors que la nuit tombe, et moi non plus. Les vieux ont fermé leurs volets. 21 h 18, la nuit est presque là. J’allumerais si je ne pensais qu’il réapparaîtrait ; je vais tenir encore quelques minutes ; il habite un studio, donc, ce n’est pas grand, donc, il ne doit pas être très éloigné de sa fenêtre et il doit être dans le noir. 21 h 20, j’allume, j’ai prévu ensuite de me lever et d’aller dans la cuisine pour voir où en est la quiche aux poireaux. 21 h 22, retour devant l’écran, toujours noir chez le type. A deux fenêtres de chez lui, toujours au même et dernier étage de l’immeuble, une fenêtre est allumée où un autre type reste des heures de profil face à ce qui ne peut être qu’un écran. Peut-être est-ce le même type.

Mercredi, lever 6 h 15. Fenêtres de l’immeuble en même état : l’une allumée et l’autre ouverte. 6 h 33, l’allumée s’éteint.

Jeudi. Article relu et approuvé avec ses ajouts.

l’art avide de réel. Le réel avide d’art.

Le dessin évide, voué à la case, à la cerne. Il cerne, découpe, disjoint, fait des parties dans le continuum. Vide, contour. Il résume (deux cheveux, quelques mèches dessinés avec application et la chevelure est cernée à sa place à grands traits)(la matière d’une maison, d’une joue n’a nul besoin d’être détaillée pour figurer). Justesse. Il pare au plus pressé. Efficace. Pressé. Le dessin qui s’en prend à l’événement doit lui-même s’arranger en un petit événement, poser une question, en soulever un bord, dévoiler, soulever le voile, soulever la couverture (médiatique). Sa fonction de schéma filtre l’événement, écorche. Leçon de choses, didactique. Les grandes lignes.

Pas de transformation de matière. Capture de lignes.

Puis le dessin serait toujours le projet d’autre chose (architecture, canevas, modèle, ébauche, croquis), avant la chose, schéma, intentions. Il y a donc toujours à l’esprit ce manque de matière (parfois de couleurs) que le regard recompose d’autorité, interprétant, bouchant les trous, on replace la chair où il faut. Le dessin de presse se suffit à lui-même, mais nous continuons cependant à colmater. Démuni, squelette d’une peinture

Plus une opposition de support : journaux ( en une ou insert), livres, affiches, couverture. Le dessin crée une cible ; l’oeil (haptique) capté y suit un tracé jusqu’au sens.

Jean et François Clouet, tout savoir de leur protocole de dessin, des séances, de la lumière, de la conversation, du temps passé, des gens autour. Allier la finesse des traits à l’élégance des architectures des châteaux. Mais les Valois sont laids. Donc d’autres.

jean-clouet-jean-de-la-barre-musée de Condé

jean-clouet-portrait-de-jean-de-dinteville

Isabelle_de_Hauteville© René Gabriel Ojéda ; © Réunion des musées nationaux

Ce mois d’août aura été, il n’est toujours pas terminé, le moins bavard. Carlotta ce matin qui, de Marseille où elle tentait d’installer une nouvelle app pour discuter avec Lili avait besoin d’un numéro de portable et est-ce que je voulais bien ? Le ditportable n’avait plus de batterie et plus de nouvelles. Sylvie, 4 jours à Barcelone, m’envoie des SMS, puis des photos sans doute que mon appareil ne peut lire. Vu Arthur à son retour de Berlin il y a quatre jours. Vu Gabriel avant son départ pour le Portugal. Vu Pierre le mercredi 13 août au Mazarin avant son départ pour la Corse. Sinon et depuis vu personne.

Essai de lire quelques livres de la rentrée, lâche, sauf un, écrit, travaillé, dont le choix du narrateur évoque le travail de Kafka dans ses nouvelles. Commencé Vie et destin de Vassili Grossman, mais ce n’est pas le moment. Par chance, je tombe sur Thomas Bernhard, Des arbres à abattre, que je relis.

The Grateful Dead – Black Peter.

All of my friends come to see me last night
I was laying in my bed and dying
Annie Beauneau from Saint Angel
say « the weather down here so fine »

Just then the wind
came squalling through the door (hurler)
but who can
the weather command ?
Just want to have
a little peace to die
and a friend or two
I love at hand

Fever roll up to a hundred and five
Roll on up
gonna roll back down
One more day
I find myself alive
tomorrow
maybe go
beneath the ground

See here how everything
lead up to this day
and it’s just like
any other day
that’s ever been
Sun goin up
and then the
sun it goin down
Shine through my window and
my friends they come around
come around
come around

People may know but
the people don’t care
that a man could be
as poor as me…
« Take a look at poor Peter
he’s liyin in pain
now let’s go run
and see »

Run and see
hey, hey,
run and see

Fin étrange. D’une chanson qui suit depuis des années. Je ne comprends pas tout. Cent et cinq ? Cette histoire de roll on up et roll back down. Sisyphe ?

Vers 19 h 30, le type à poil s’est habillé tout en noir. Ce matin, à poil, il a fait le ménage, ramassant avec une pelle en plastique des poussières qu’il a jetées par la fenêtre. Geste vif pour, doublement, ne pas se montrer.

20 h 09, il pleut avec une grande tranquillité ; c’est-à-dire qu’on n’entend pas la pluie. Et une autre chanson, de David Crosby.

Ce matin, samedi, 4 h 20, éveillé par une pluie plus sérieuse, dirait-on. Lever 5 h 04 après 100 abd. Essai ces jours-ci d’exercices : développé quatrième demi-hauteur (voire hauteur) et développé derrière demi-hauteur (voire arabesque), dix fois, vingt fois de suite (sans mains, sans bras, sans tête ni regard).

Boustrophédons d’août

12 août 2014 § Poster un commentaire

Le choix d’une grande et belle feuille de papier, de crayons ou de stylos particuliers formaliserait une pratique qui n’est qu’un passe-temps. Du domaine de l’entraînement, de l’échauffement. Pour se vider l’esprit. Pour passer sa hargne. Faire la vaisselle, passer l’aspirateur, lancer une machine, réparer un truc, jouer du piano, remplir la feuille de lignes. Expressions de rien si ce n’est d’un temps passé à les exécuter, d’une présence, les dessins sont précisément datés : seconde, minute, jour, année. Protocole simpliste : il s’agit de tracer des lignes de bas en haut, de gauche à droite puis de droite à gauche sans lever la mine dans le retour du chariot-main en s’écartant le moins possible de la ligne précédente et ce, jusqu’en bas, afin de remplir la page, de boucher l’espace, d’épuiser les envies. Boustrophédons datés. La médiocrité du dispositif comme celle de ses outils garantissent la petite chose, le piètre résultat, l’insignifiance. Aucune expression, aucune représentation. Tracer pour tracer. Se siphonner le cerveau.

Voir la suite de Fibonacci. Le Canon du crabe (Bach). Le Prélude et fugue n°1 en dos majeur, Bwv 846, de Bach.

Version Glenn Gould.

Ce matin, 5 h 16. Silence dans l’immeuble.

Nuit mardi-mercredi, sommeil troué à 1 h 40 par des remuements sonores à l’étage, mais lequel ? Tourné jusqu’à 3 heures. J’accuse ceux du dessus avant de comprendre que au-dessus de ma tête, mais en dessous, le vieux qui ne s’entend pas parler, discute avec sa veilleuse. 8 h, jour gris comme les toits de zinc oxydé.

Vu Arrête ou je continue, de Sophie Fillières. Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric, en bermuda, chaussures de marche, couverture (celle des pompiers et des randonneurs, celle en laine), Kway, des synthétiques éprouvés pour temps maussade. ( Johnny Hallyday). Quelque chose ne va pas qui est du ressort du tournage, de quelque chose d’abandonné en cours de tournage (ou de trop suivi), pour lequel il aurait fallu se battre. Non. Comédiens trop forts ? Idée trop bonne ? Scénario trop bien écrit ? Quelque chose n’a pas suivi ou bien a été suivi à la lettre. Ou bien c’est le montage ? On a demandé aux comédiens ce qu’ils ont déjà fait. Partition déjà jouée. On devrait beaucoup plus rire qu’on ne fait. Toutes les scènes comiques coupées avant d’éclater. On sourit. L’intelligence de Desplechin plane partout sur ce film, avec ses comédiens. Anne Brochet dont on est amoureux et qu’on ne reconnaît pas. C’est toujours ça, le cinéma. Film intelligent, drôle (non, pas drôle, ce n’est pas drôle), bien écrit, bien dirigé. Non, ce qui ne va pas est le moteur même du film, et qui mène à sa fin, la sortie hors champ. C’est la fin : fin du couple, fin du film. Conceptualisation de l’intrigue à ses moyens de représentation. Le couple ne va pas bien (mari/femme (la base), spectateur/film, amour/sexe, dose/effet …). Beaucoup de subtilité, musicale ; les fourmis, les lapins et le chamois ado. De plus en plus, le tremblement de Mathieu Amalric (il ne tremble pas, il hésite, il suspend, il atermoie, il questionne) ou le léger temps avant d’agir ou de parler (sans doute demandé par le réalisateur mais tout de même) évase une palette d’intelligence où le langage et l’action dérapent tout le temps. Il est constamment à côté de la plaque et c’est un plaisir d’assister à ce spectacle. Différent de Jean-Pierre Léaud.

La main de Jean-Pierre Léaud pour enrober ce qu’il dit. Un texte sur les mains de Jean-Pierre Léaud.

Calibre+godard+1 J.-P. Leaud le-depart Jean-Pierre Leaud-main JP Leaud Baisers voles

JP Leaud

La main de Chrissie Hynde quand elle chante, sa main fausse, étrange qui désigne, appuie ou prend appui, une main professionnelle, habituée à ce jeu de scène.

Ce matin, vendredi 15 août, 5 h 30. 100 abdos avant de se lever. Temps encore gris. Chien qui aboie.

le silence d’août à Paris

4 août 2014 § Poster un commentaire

Le bruit de petites billes qui tombent pendant plusieurs minutes sans régularité sur le plancher des voisins du dessus n’était que les minuscules craquements de plastique des battants de la fenêtre de la salle de bain qui s’ouvraient un peu et se refermaient un peu. Mes voisins sont partis, ont prévenu, ont vidé leur frigo des denrées périssables ; c’est Carlotta qui a réceptionné le sac blanc : trois yaourts nature, un au muesli, deux chèvres, tous bio. Au marché, vendredi, nombreux emplacements vacants. L’une des deux maraîchères a dit c’est août, ça. Pas de patates, pas de pommes, pas de morue habituelles. Et ce matin, lundi 4, le boulevard reste silencieux. La rumeur des voitures ne monte pas du dehors. Paris en août, première ou deuxième fois.

2001 a space odyssey

3 ème matin à 6 h, 100 abdos chaque fois.

Kiss Me Deadly- Robert Aldrich. 1955

Courir peut-être.

Un article à écrire pour le 17. Un autre pour septembre. (les éponges… capteurs)

L’enfant qui hurle, se lamente, n’habite nullement au cinquième rue de Crussol, mais à un autre endroit. 19 h 13, il hurle et réclame son père, sa mère, j’entends maman, comme si elle était très loin. Il doute de sa propre petite voix à se faire entendre. Tout à l’heure ou hier, il était au coin. La mère a dit le coin. Ce doit être un coin fermé. Il hurle, use ses forces comme maintenant, puis cesse, pleure, puis argumente je suis calmé, viens, reprend par quintes de hurlements, s’égosille. Il ne devrait pas s’égosiller. En général, la mère arrive, crie, et c’est reparti pour une séance de coin. Là, il hurle c’est fini, c’est fini, hurle. 19 h 20, plus rien.

Mardi, réveillé 5 h 11, levé 6 h 20. Les vieux ouvrent leurs volets à 6 h 30 ! ciel sans nuages.

Mardi soir, dîner avec Gabriel. Tous les changements qui l’attendent.

Aujourd’hui mercredi, 18 h, la pluie tombe droite. Grondements. Air frais.

Jeudi, 15 h, café Le roi de pique, donner les guides, expliquer. Il pleut le temps de la conversation. Philippe Calderon sort du café à un moment, je dis, je le connais, je ne peux pas l’appeler alors qu’il s’éloigne parce que j’ai oublié son prénom ; mais il revient chercher son parapluie, il me reconnaît, nous nous saluons, toujours sans prénom, et c’est quand il s’éloigne pour la seconde fois que je me souviens de son nom. J’en discute avec V., et de son air un peu perdu, affairé.

Il est 20 h 30, le type du sixième rue de Crussol qui vit à poil délire, lance des injures au ciel, dit prends ça dans ta gueule en levant le bras vers sa fenêtre toujours ouverte, aux montants tendus de draps rouges ; tiens, il porte un pantalon ; il se baisse sur sa droite vers un frigo sans doute, mange un truc ; il a l’air allumé. Maintenant, plus rien. J’ai tiré mon rideau pour voir, rideau qui sert dans la journée, et plutôt le matin, à protéger l’ordi du soleil.

Vendredi, insupportable réveil à 3 h 30, traîné jusqu’à 4 h 40, levé. C’est le vieux du dessous qui fait du bruit, déplace des meubles, parle fort parce qu’il ne s’entend plus parler. Rencontré sa fille, une vieille dame qui peine à monter au troisième, gentille qui me donne des nouvelles du centenaire : il descend les étages, mais ne sort plus, et il reste toute la journée chez lui et il s’ennuie. Faut savoir ce qu’on veut.

Et maintenant, il est 20 h 37, et rien, la pluie s’arrête. Sieste avortée, fatigué, rien foutu.

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