Le passé lâche

23 juin 2015 § Poster un commentaire

Joseph Cornell’s “Nymphlight”

En piste tôt, ce jeudi, 19 h 30. Galerie Vinci hommage, croisé Anna, Corinne et salué Youri. Au Chai, Martin et Pierre, puis le frère de Pierre. Puis Laurent (Ganem) de passage à Paris. Difficultés à dire que non, le livre n’a pas marché, qu’aucun ne marchera ; expliquer en même temps qu’il n’y a pas d’écrivain maudit ; que ce n’est pas non plus la conjoncture ; que c’est sans doute le choix de l’éditeur, mais pas uniquement, que c’est moi. Mazarin, à deux, puis Francesca au Perrier puis au vin, Ricardo à l’eau. Pierre sur des projets d’extension immobilière. Deux turques (elles connaissaient Komet, et les anciens proprios de la Palette) à la table voisine et un Américain. Parti tard.

Joseph Cornell’s “Nymphlight"21957

Internet, qui sait tout, ignore encore nos faits proches, très proches. (((Quelque algorithme nous les présentera comme un menu.))) Bientôt sur les écrans.

En noir et blanc, de préférence, la vraie couleur de la fiction.

The Heart Of The World (Guy Maddin - 2000)

Il n’y a pas une photo ou un gif qui résume un moment. Fictions juxtaposées dans le chantier. Essais de peinture. Brouillons, filtres, papiers chiffonnés, images.

The Heart Of The World (Guy Maddin - 2000) 1

Fenêtres souvent ouvertes maintenant : famille en face, à une soixantaine de mètres, la mère crie toute la journée sur ses enfants : la prochaine fois, je te tue. Sur le balcon suivant, beaucoup de plantes et de fleurs comme pour masquer, se protéger.

The Heart Of The World (Guy Maddin - 2000) 2

André Kertész, Solitude, 1960left on left

ai-je jamais compris le plaisir issu des auto-tamponneuses ?

Ondoyant sujet

17 juin 2015 § Poster un commentaire

biches-cf John Wilford Fight Club (1999) dir. David Fincher Anna Magnani & Pier Paolo Pasolini in Venice, 1962Annoté et souligné de partout, le tome 1 des Essais que je voulais réattaquer par je ne sais quel angle me rappelle que je l’ai déjà lu, travaillé, pris et repris. Pas grave. Retomber sur des phrases.

On gratte le fond d’une casserole attachée, plusieurs fois, des années durant, elle et d’autres, et puis on est mort. On fait attention à n’appliquer que le côté tendre de l’éponge sur le récipient en plastique de son robot ménager pour qu’il ne se raye pas. On ne prétend pas survivre à ses appareils. On fait attention, qu’ils restent un peu beaux, un peu neufs. Et puis on est mort.

Le poirier planté continue de donner, mais on est mort. On s’escrime sur la cuisinière. On nettoie par terre. On arrose des petits pots de glycine. Le médecin de Draveil qui dit que le ménage est toujours à refaire. Pensée venue de là sans doute. De sa grande maison, trop grande, et lui atteignant un âge.

Tout le temps en guerre. Clameurs, vacarme, surtout vacarme. Ce soir, vendredi, c’est vacarme, le mot. Vu sur Facebook la photo d’Anne et d’Eléonore, prise par Pierre au Mazarin où je n’ai pu aller. Pierre m’envoie un message drôle : il s’est promené avec, dans la poche, un steak acheté à la Boucherie. Je n’ai pas bien compris.

Carlotta revient de la piscine avec sa copine qui ne cesse de consulter son téléphone : elle a appris à composer une prestance en visionnant tout le temps le flot continu des photos et des vidéos qui lui arrive via Instagram, Tumblr ou autre, la tête penchée, le doigt en mouvement, c’est toujours quelque chose à faire. Pour une jeune fille qui ne sait pas où se mettre, c’est tout bénéfice, elle est là et pas là. Elle écoute juste ce qu’il faut. Rien à dire.

Ce soir, dimanche, musiques partout.

Le rhume contient l’esprit dans une douce poche ; une légère fièvre là-dessus et le monde s’opacifie, s’assourdit. Le seul ennui : se moucher. Dégorgement et bouchon du nez ; un silence, ce lundi, ciel immobile et gris.

Il est en larmes, ou plutôt au bord des larmes, secoué de spasmes, se retient de verser des sanglots, se détourne, évite, se retient, seul ou non, à la moindre situation pathétique. Roméo qui vient de rencontrer Juliette et apprend aussitôt qu’elle est une Capulet (« C’est une Capulet ! ô trop chère créance ! Ma vie est due à mon ennemie ! »), la mort de Mercutio, une pub pour les aveugles, un film grand public où un fils atteint du cancer veut rencontrer sa mère droguée écartée depuis des années, ou bien Lulu femme nue (malgré la présence des deux frères pétris de bons sentiments qui détruisent à chaque fois la lente et intéressante mise en place du sujet du film), sans parler d’Orgueil et préjugés. Tout est bon. C’est une désolation. Il ne sait plus quoi regarder ni que lire. Des années de distance et d’ironie, des années de fuite (« la misere de nostre condition porte que nous n’avons pas tant à jouir qu’à fuir ») et, peu à peu, une adéquation par l’émotion à cette vie. Sa fille qui lui offre des cadeaux, son fils qui pense à l’appeler. Va falloir tout relire. Mais pleurer fait du bien qui permet de se sentir en vie.

Yelena-Yemchuk 26

Collecter des photos, les découper dans les journaux (grands cahiers de textes verts) ou maintenant les prendre sur internet, satisfaction, travail, imagination. Collées ici, elles enrichissent, donnent du caractère, livrent surtout leur ailleurs. Où veut-on en venir ? La photo y répond ; elle n’aurait rien d’autre derrière elle que de représenter ce qu’elle a elle-même pris (copier-coller d’un réel). Elle fait mine de clore l’enquête. Alors qu’elle est l’origine d’une fiction, le départ d’une composition (de soi-même). Voilà à quoi je ressemble. (((insuffisant)))

Parfois, se demander : pourquoi mettre autant de biches et de cerfs ?

via gelocomiaMais pourquoi ?

Le maître du logis (1925) Dreyerou pourquoi ?

Où suis-je ?

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