Mort de Frou-frou

11 mars 2018 § Poster un commentaire

Anna Karénine, la course, mort de Frou-frou : « Le fossé fut franchi sans qu’il s’en aperçût. Froufrou s’envola comme un oiseau plutôt qu’elle ne sauta ; mais en ce moment Vronsky sentit avec horreur qu’au lieu de suivre l’allure du cheval, le poids de son corps avait porté à faux en retombant en selle, par un mouvement aussi inexplicable qu’impardonnable. Comment cela s’étaitil fait ? il ne pouvait s’en rendre compte, mais il comprit qu’une chose terrible lui arrivait : l’alezan de Mahotine passa devant lui comme un éclair.

Vronsky touchait la terre d’un pied : la jument s’affaissa sur ce pied, et il eut à peine le temps de se dégager qu’elle tomba complètement, soufflant péniblement et faisant, de son cou délicat et couvert de sueur, d’inutiles efforts pour se relever ; elle gisait à terre et se débattait comme un oiseau blessé : par le mouvement qu’il avait fait en selle, Vronsky lui avait brisé les reins ; mais il ne comprit sa faute que plus tard. Il ne voyait qu’une chose en ce moment : c’est que Gladiator s’éloignait rapidement, et que lui il était , seul, sur la terre détrempée, devant Froufrou abattue, qui tendait vers lui sa tête et le regardait de ses beaux yeux. Toujours sans comprendre, il tira sur la bride. La pauvre bête s’agita comme un poisson pris au filet, et chercha à se redresser sur ses jambes de devant ; mais, impuissante à relever celles de derrière, elle retomba tremblante sur le côté. Vronsky, pâle et défiguré par la colère, lui donna un coup de talon dans le ventre pour la forcer à se relever ; elle ne bougea pas, et jeta à son maître un de ses regards parlants, en enfonçant son museau dans le sol. » (relecture)

Tous les chevaux de Tarkovski.

Relecture, Chesterton, (solitude du poète qui peut se passer d’entourage), (qui évoque la remarque de Sciascia, dans La Disparition de Majorana…) Une autre remarque : « Lorsqu’on n’a rien du poète, on a quelque chance d’être un poème ».

Massif Central, l’idée de centre chez les écrivains ; autre livre de Christian Oster, première page de Le pont d’Arcueil où le personnage cherche son centre de Sécurité sociale, « sur le chemin de mon centre ».

Ce matin, courir jusqu’au marché, le marchand polonais aux harengs ; goûté des sprats, cadeau d’un demi-pain noir.

Hier, Montmartre, au sortir de la station Anvers, remonter la rue de Steinkerque bourrée de touristes et, à vingt mètres l’un de l’autre, trois petits attroupements précaires et vifs autour de joueurs de bonneteau œuvrant  à même le pavé ou sur des cartons ; leurs comparses applaudissant, parmi eux, une jeune femme d’origine arabe, vêtue d’un tailleur, élégante, œil aux aguets et surtout coiffée d’un gros turban noir, uni, magnifiquement noué qui dégage son visage clair, et la fait ressembler à La Diseuse de bonne aventure de Caravage ou la femme chez Georges de la Tour, tableau du même nom. Emberlificotée dans les plis du tissu et la beauté de sa mise, la duplicité de sa présence. Elle ne ressemble à aucun des personnages des tableaux, elle les évoque plutôt (les complices sont appelés « barons »).

Tribunal, assisté à un procès en assises, ignorant les charges ; les entendre se définir à mesure des interrogatoires ; voir se distribuer les rôles parmi tous les présents, le parquet (ironie de plusieurs questions du président au premier témoin ; avocat général muet), les cinq prévenus, les avocats (l’un très rapidement jouant de la manche, phrases onctueuses, mouvements amples), l’huissier (presque triste, traversant plusieurs fois la salle, disparaissant derrière une porte du fond, revenant), la greffière, les témoins à la barre, le public de la partie civile, et même qui est qui dans le public autour.

Roman-photo Nous Deux, n°1909, bandelettes, yeux fermés. Portrait.

L’Express, Lire, Le Monde, Le Figaro, Le Magazine littéraire.

Ici, des pensées débraillées, mises en phrases, comme on remonte son col ou remet une mèche au sortir d’une sieste pour se donner bonne figure.

Ce qu’il y a c’est que depuis plus de trente ans tous les jeudis on se marre comme des treuils.

Il sort le jeudi. Uniquement. Rentre avant tout le monde.

 

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