L’Amicale des anciens auditeurs des cours de Roland Barthes au Collège de France

4 Mai 2018 § Poster un commentaire

Verre

Comment la conversation a-t-elle évolué jusqu’à évoquer Barthes ? A la petite table, il y a un an peut-être, sur quatre qui dînent, hasard épatant, trois (issus d’horizons différents et œuvrant dans des sphères plutôt éloignées) découvrent qu’ils ont suivi les mêmes cours au Collège de France. Avant-dernière année et dernière année inachevée. Cette coïncidence reste coite pendant des mois. D’ailleurs, qu’en faire ? Or, hier, Jean, qui ne se souvient pas forcément de tous les visages, prouve qu’il a bien reconnu celui qui le salue : oui, je te reconnais ; tu es l’un des trois de cette table qui avaient suivi les cours de Barthes. Significatif entre tous, le souvenir choisi assure une élection. Aussitôt, le regard déjà amical s’adoucit d’une intelligence. Savoir qui est l’autre. Le placer avec bienveillance, le caler avec pertinence dans un imaginaire intellectuel.

L’Amicale des boulistes, des joueurs d’accordéon, de l’origami, des donneurs de sang du secteur… (connotation ringarde, épatante ! le cercle, le club, la société, le cénacle, l’église, la coterie, la paroisse (le cours revêtait certains attributs de la messe : protocole, silence, étapes, pause, la voix, public, sacré, une religion de Barthes…). Auditeurs parce que souvent à l’heure, nous tombions malgré tout devant une salle comble et étions forcés de nous rabattre sur une autre salle qui diffusait la voix seule. On vomissait la double rangée de mémés qui squattaient les sièges de devant et la batterie de magnétophones et de dictaphones et tous les micros derrière quoi Barthes prenait place.

Pendant tout ce temps, assailli par le philosophe de bistrot qui emmerde tout le monde avec Lévinas, puis avec d’autres noms. On lui tourne le dos, rien à faire, il reste, débite ses phrases. Il est tard.

Vernissage de l’expo de Francesca. Russie. Grande tablée ensuite. Virginie et Philippe. Marie, Pascale, Pierre, Pierre L., Joël, Francesca, une de ses amies. Karen se montre à la vitre. Puis Balto, rejoindre Jean. Tard.

Histoire de mettre le nez dehors, allons voir les t.shirts à Uniqlo. Rien. Mais avant, tactique pour prendre un mouchoir vaporisé de notre parfum préféré, Lord George, chez Penhaligon’s ; même gérant à la fine moustache, toujours très maître de cérémonie des odeurs qu’il présente. A notre demande, il asperge une carte de visite. Carlotta est déçue. Puis, de lui-même, parce que nous ne reconnaissons pas la fragrance (c’est une ruse), il marche jusqu’au panier des petits mouchoirs et en vaporise un, de quoi nous faire une meilleure idée, assure-t-il (notre idée est déjà faite), tenez. Nous ressortons en fronçant les sourcils, nez sur la carte et dans le mouchoir en feignant de nous demander, en remerciant ; plus loin, hors de vue, nous exultons : Twin Peaks ! clame Carlotta. Le mouchoir, satiné, est décoré de jolis motifs géométriques. Sur le chemin, elle le place dans sa poche, puis enroule son agenda pour qu’il parfume son sac, enfin, après deux jours, l’étale sur son bureau ; il a perdu son odeur, pas sa beauté.

marché 8 mai ; Carlotta passe sa commande : des fruits. Soleil, ciel bleu. Boulevard presque vide. Gens aux terrasses. Le poissonnier, tout le temps qu’il répond à la question sur les harengs, regarde autre part, comme s’il ne s’en laissait pas compter par ce genre de petite discussion vaseuse, cependant qu’il écorchait un carrelet, tranchait des têtes.

Retrouvé, alors qu’il est devant le nez, qu’on y passe trente fois par jour devant, le tome II d’Anna Karénine, qu’on se rabat sur la préface du tome I (remarques sur le roman russe de De Voguë) en attendant je ne sais quoi, voilà le tome II, éditions Nelson ! Lu le tome I en Garnier flammarion. Le tome I, en Nelson, porte de nombreuses traces de lecture : phrases soulignées, passages cochés (on avait oublié). Carlotta propose de prêter, le temps de la lecture seulement, le ticket de l’entrée du musée de Nancy orné d’un dessin de Jacques Callot pour servir de signet. (dessin d’un homme-oeuf à la manière de Bosch). Ses menus souvenirs sis dans de petits objets.

The « Palmer » home, adresse livrée par un interméneute (pour reprendre le mot formidable d’Hervé Aubron) dans un commentaire sous l’extrait de la scène finale de Twin Peaks. (google maps, capture d’aujourd’hui 10 mai 2018)

La dimension méditation transcendantale des propos de Lynch corrompt son travail. On n’avait pas vu ça comme ça. Et des perspectives de sens se bouchent soudain.

Dodge Charger 1968

jeudi 17 mai, vélo, Pierre, A.M. et Marie déjà au Chai, rejoints par Pascale. Mazarin, retour de Bruno, convalescent (« impeccable! », « on n’a pas les moyens d’aller mal ! », ses phrases), puis Francesca et Joel et des amis ; Francesca, d’abord devant moi, fait permuter Pascale à sa place, cette dernière prend la mienne, histoire de changer d’angle de vue, sinon de point. A un moment s’approche quelqu’un qui peut-être salue, va s’asseoir, puis non, discute un peu, s’éloigne ; Pierre dit que c’est l’ancien mari de P. qu’il battait et qu’il ne fallait pas qu’il s’asseye.

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