Une souris

2 juillet 2018 § Poster un commentaire

Comme il travaille dans l’entrée, concierge de chez lui, un soir, captée du coin de l’oeil de sa tête tournée vers autre part, une ombre attire son regard. Une souris cavale le long de la plinthe, a dû passer sous la porte d’entrée, entre la barre métallique qui se fiche dans le plancher quand on ferme la porte à clef et le chambranle. Elle disparaît dans la grande pièce sans qu’il puisse faire quoi que ce soit ; d’ailleurs, il n’a pas bougé de sa chaise. Les jours suivants, il fait les supermarchés en quête de souricide ; rien. Il aurait fallu un chat. Il tombe sur un poison en formule pâte rose : des petits sachets qu’il dispose un peu partout. Que la souris ignore. La souris réapparaît le long des plinthes de la cuisine, puis montée sur le plan de travail de la cuisine. En fait, un appartement est plein de petits coins. Élaboration de plusieurs pièges : bouteille de soda coupée au tiers puis retournée en elle-même avec appât à l’intérieur (tuto sur Youtube expliqué par un enfant à voix sagace) ; tube de papier en équilibre avec appât au-dessus d’un grand seau (ibidem) ; pot de fromage blanc au couvercle troué avec appât. En cours.

L’appartement de la femme qui crie après ses enfants et menace de les tuer est vide et repeint ; conséquemment, plus de cris cet été.

Carlotta croit entendre la souris, s’immobilise, écoute, non. Une autre fois, elle pousse un cri, elle vient de la voir passer, se lève prudemment et décrit précisément le trajet pris. Un soir, il faut scotcher le bas de la porte de la cuisine. Elle écrit un mot qu’elle fixe sur la porte « une souris verte qui courait dans la cuisine. Attention SCOTCH », entouré de deux petits panneaux Attention issus du code de la route, en forme de point d’exclamation centré dans un triangle.

Deux jours, trois. Passages et déplacements de la souris. Hier soir, une petite ombre entre dans la grande pièce, longe la plinthe et disparaît sous la bibliothèque par ce décrochement typique de la planche qui prévoit le passage de fils. La gauche du meuble est accoté au mur ; le trou de droite, cette « entrée », est également l’unique issue, pense-t-on alors. Gros scotch pour l’obstruer que nous remontons jusqu’à un mètre soixante pour solidariser mur et bibli. Une heure plus tard peut-être, Carlotta entre dans la pièce, crie : elle a aperçu la souris le long de la bibliothèque à hauteur d’épaule. La souris n’a donc pas pu ressortir en bas par le décrochement de la planche (bouché), s’est hissée dans le dos de la bibliothèque pour contourner la langue de scotch qui en masquait l’ouverture. Un seau ! Idée de Carlotta. La souris est derrière la bibli, sa seule issue est de passer au-dessus du scotch pour s’échapper ; donc, positionner un seau de l’autre côté où elle tombera fatalement. Le seau est rond et il faut scotcher l’intervalle perpendiculaire entre mur, bibli et seau, créer une pente comme un toboggan. La nuit passe. Vers midi. Carlotta n’ose y jeter un oeil. Une petite tache sombre au fond du seau noir. C’est la souris. Embouteillée, nourrie, photographiée, étudiée sous ses quelques coutures : elle est musclée, grande queue, elle aime le chocolat. Libérée au soir sur une petite plaque d’égout trouée du boulevard.

Tagué :, , , , , ,

Laisser un commentaire

Qu’est-ce que ceci ?

Vous lisez actuellement Une souris à Chantier.

Méta