Le cœur à écrire

31 mars 2021 § Poster un commentaire

Quel cœur faut-il ces temps-ci pour écrire ? Juste une histoire de cœur ? Justement, c’est une histoire de cœur. On dirait qu’il n’y a plus de désir.

Le Mazarin, le Chai, les réunions de jeudi manquent et toutes ces conversations inter pocula, sans intérêt et où jamais ne fut refait le monde ; comme un soir où nous tentâmes, sans internet, de recomposer de mémoire « Anne, par jeu, me jeta de la neige… », un autre de jouer à la pièce contre le gérant, un autre de nous souvenir de la « Consolation à Monsieur du Périer sur la mort de sa fille » (deux mentions à des poèmes pour hausser la dignité de nos réunions), un autre de débattre des nuages dans les tableaux de Poussin versus ceux de Ruysdael, un autre d’organiser une bataille de boules de neiges dans le bistro, de finir au Balto, de danser, de chanter de vieux couplets entonnés aux Beaux-Arts (Pierre), … (il faut ajouter ici trente ans de conversation)… bref, de boire le temps et de rentrer par les quais. Tandis qu’en ce moment rien à faire, le temps passe et fige.

ce soir, 01/04/2021, Sylvie et sa fille Paola
Anna, le même jour, avant fermeture à 19 h
Pascale, le même jour et, en amorce, Bolita

« Il faut bien dire que quelque chose est cassé depuis que les cafés sont fermés. Avant, je le confesse, je rédigeais la version première de mes textes sur ordinateur puis j’allais tout revoir sur papier, à la terrasse des bistrots, tel le Hemingway de Paris est une fête, riche de la vie environnante et du tourbillon des gens qui passent comme dans un ballet. Depuis que je suis contraint de tout reprendre sans bouger de ma chaise, je sens bien que mes pages sont vides ou creuses. Il leur manque ce parfum du monde. Elles ne sont plus nourries de la matière dont les littératures font leur substrat — toute cette conversation flottante, ininterrompue, dont les cafés sont le théâtre. De fait, j’ai l’impression de ne plus être qu’un technocrate bloqué dans son bureau après l’apocalypse et qui continue par simple routine à pondre des rapports barbants que plus personne ne lira. Quelle tristesse. (Qu’eût été Perec sans le Balzar ou le Café de la mairie à St-Sulpice ?). » écrit Olivier Bessard-Banquy.

Où suis-je ?

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