Le cœur vide

9 novembre 2021 § Poster un commentaire

Photo de Max Vakhtbovych sur Pexels.com

Le site WordPress propose de nouveau des images à partir des textes, hasard d’un algorithme réglé sur on ne sait quoi pour un tel titre. De loin, la chambre faisait penser à celle de la fin de 2001, L’Odyssée de l’espace, nette et éclairée comme une chambre d’hôtel de luxe, sans personnalité, un passage d’une nuit. C’est subtil, pour le cœur vide. Je pensais à cet habitant chinois d’une province qui était parti au Viêt Nam acheter une femme parce qu’il en avait assez d’être seul. Il était filmé dans le train du retour chez lui avec son épouse ; elle avait l’air contente, lui aussi. C’est lui qui, sans larmes, disait : « …Je me suis inquiété quand j’ai eu vingt-sept ans, à force de ne pas trouver de femme, je sens mon coeur (silence) vide; quand je rencontre des copains mariés, j’ai honte de parler, j’ai l’impression de ne pas avoir de visage…. », et c’était déchirant de le voir travailler dans le jardin de ses parents ; dans le train, il ne parle plus ; il revient avec sa nouvelle femme, sa vie va changer en mieux, il l’espère de tout cœur. Des mondes.

La plupart des photos sont très léchées, des écrans blancs, des cœurs évidés, des paysages pour publicités ; tous les clichés sont libres de droit. Il faudrait peut-être écrire en anglais pour se rapprocher du titre. Ce sont des photos de dictionnaire, comme en propose l’ordinateur, le papillon, la balle, la voiture, qui servent de référents à l’union du signifié/signifiant, devenue insuffisante peut-être. Les hommes et les femmes visibles sont des modèles ; ils apparaissent dans des positions qui miment des sentiments. Le sentiment qu’ils incarnent est détaché de toute histoire. Marbrés d’avoir été lissés par Photoshop, étalonnant la tristesse, la solitude ou la joie, ils sont creux et rendent presque abstraits leurs traits, comme des universaux. Comme une phrase passée à la moulinette d’un traducteur automatique, ignorant l’implicite et la connotation, superficielles sans profondeur.

Aujourd’hui, un inspecteur et une inspectrice viennent expliquer la fluence à un parterre de professeurs écrasés par l’incohérence du projet ; certains professeurs ont beau leur dire que c’est impraticable, impossible. Eux en sont conscients, œuvrent pour la théorie, viennent donner des idées. L’inspecteur, pour asseoir le propos, explique les rapports du signifié et du signifiant dans la lecture d’un enfant. Ils sont gentils, s’expriment à voix petite, pédagogique. On les a envoyés. Ce sont des directives. Ils étaient obligés d’être reçus. La réunion devait se tenir. Les professeurs devaient y assister. Tout était vide. Des mondes.

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