Notre rue est un studio de cinéma

31 juillet 2022 § Poster un commentaire

Bloquée aux deux bouts, sans chiens ni véhicules garés, elle décore. Un film protecteur de bitume accueille sur la plus grande partie un lit de sable terreux sur lequel a été déposée une couche plutôt épaisse d’un mélange marron qui sent le crottin. De pseudo-boutiques d’antan ont été plaquées sur des façades, colombages, volets, enseignes, des têtes de lampadaire en plastique peint pendent au milieu, des auvents dépassent à des endroits, et partout des tapis en relief imitant des pavés. C’est-à-dire que l’une des voies les plus authentiques de Paris est devenue une rue factice. De toutes ces transformations pour les besoins de la reconstitution, celle qui surprend est l’odeur de crottin : astuce pour encourager les figurants à leur rôle ? environnement nécessaire à la tranquillité des chevaux qui passeront ici les jours de tournage ? lubie d’un réalisateur épris de détails même inutiles ? exigence d’un historien conseiller au scénario hyper pointilleux ( Paris puait ) ? vengeance de quelque régisseur sous-payé par la production américaine ? Peut-être plus simplement, pour évoquer la merde des rues, n’aura-t-on trouvé que la merde des chevaux. On n’a pas touché à la façade de notre immeuble (d’époque sans aucun doute) qui, en revanche, accueille des décors dans la cour, un grand faux mur a été construit dans le fond pour masquer une élévation moderne, et des charrettes de fausses pierres, des barriques, une chaise à porteurs. Tournage les 2 et 3 août, pour la mini-série Benjamin Franklin incarné par Michael Douglas. Devant les portes d’entrée, des chaussons protecteurs en plastique ont été disposés par la production à l’intention des résidents. Notre rue qui est une rue à merdes de chiens comme toutes les petites rues, impasses et voies peu passantes de Paris est gardée jour et nuit par quatre ou cinq personnes qui somnolent aujourd’hui, dimanche, dans un parfum d’autrefois et à l’ombre d’auvents temporaires.

Histoire de dire. Notre rue a perdu un immeuble, le 2, et commence ainsi au 4. Ça ne date pas d’aujourd’hui. Un matin, une jeune femme était là qui tournait dans l’entrée du 4 et se demandait où était passé l’immeuble. Elle y cherchait l’atelier d’un parent peintre installé au dernier étage de ce 2. Non, pas de 2. En place, un maigre jardin derrière des grilles et le côté d’un autre immeuble sis dans la rue perpendiculaire ; ce bâtiment, un gros pâté sur la rue et qui revient jusqu’à border le 4, est un faux immeuble d’habitation où ne loge qu’un transformateur EDF seul dans un grand hall et aucune des fenêtres, jusqu’aux fenêtres dans le toit, ne donne sur quelque appartement, elles imitent des fenêtres.

Fin mot de l’odeur : la terre est, dixit l’un des gardiens, une terre à deux balles achetée par la production et sera couverte ou remplacée lundi. Ils cherchaient le propriétaire du vélo accroché aux grilles du jardin depuis une semaine, dernier véhicule qui gênait, et s’apprêtaient à le déplacer eux-mêmes. C’est le mien.

Maintenant je vais lire

28 juillet 2022 § Poster un commentaire

Il me reste beaucoup de livres à lire. J’ai pris du retard. J’ai fait autre chose. On se cantonne à des auteurs et d’autres vous passent sous le nez. On travaille, on s’occupe des enfants, et des milliers de livres paraissent. Il s’agit de s’organiser et d’organiser le temps. Peut-être, sans doute, sûrement ai-je manqué de jugeote à relire cinq fois Madame Bovary, deux fois le tome II des Mémoires de Saint-Simon, deux fois Au Bord de l’eau, deux ou trois fois les Fragments, sans parler des nouvelles de Kafka, de Flannery O’Connor, de Dostoïevski, et Baudelaire, et Villon, et Lu Xun, et Lao She, et Rousseau… on en oublie des dizaines. Bon, plus de musiques, plus de peintures, plus de films, plus de sorties. Réduire la voilure et procéder par ordre. Un programme, c’est-à-dire un phantasme : non, conneries.

Moi, dans ma nouvelle vie
remoi sur un toit
des gens atterrés par cette idée stationnent au seuil d’un immeuble et se partagent des rayures et des carreaux sur des vêtements casual
Quand d’autres semblent se rallier (mais peut-être ne parlent-ils pas de la même chose)
elle est nulle, l’idée ; à quoi bon lire

Tout faire.

Chantier de restauration des peintures de Notre Dame de Paris, opéré par la DRAC Ile-de-France. Essonne, mai 2022. Atelier des couches picturales. Opération de dépoussiérage, de décrassage et de mastiquage par une restauratrice du tableau Saint Paul aveugle le faux prophète Bar-jésus et convertit le proconsul Sergius, Nicolas Loir, 1650. le 19 mai 2022 (ph. Aglaé Bory/Libération)

Rester coi. On me croit en vitrine. Je suis le gardien. J’attends mon uniforme. On a le droit de lire durant nos pauses, mais qui va le faire ? Pas assez de temps ; ou alors faudrait que ça soit vraiment prenant ou que ça défasse de la mort.

vacance

15 juillet 2022 § Poster un commentaire

L’éclat du sourire de cette femme épanouit les souvenirs de rencontres exactes, d’oubli de soi. La joie. L’AMOUR. Cette photo est une expérience. Tu es mon seigneur, tu es ma princesse, on parle comme ça dans ces régions, et je t’aime, je te veux , prends-moi. Oui. On ne se fait pas prier. Possède-moi. Oui.

24 September 2020, North Rhine-Westphalia, Duesseldorf: Hito Steyerl, artist, recorded in the art collection K21. Steyerl is one of the most internationally influential media artists and with her socially critical installations she stirs up the art world. The Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen is dedicating a comprehensive overview show to the 54-year-old filmmaker and author until 10 January 2021 under the title « I Will Survive ». The exhibition is a German-French cooperation. Photo: Rolf Vennenbernd/dpa (Photo by ROLF VENNENBERND / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP)
ROMANIA. 1975.
Carlotta, le 14/07/2022, chez Anna Biret

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