De retour

7 août 2023 § Poster un commentaire

à Paris, je suis ainsi

des restes de vacances qui ne veulent pas partir, nous raccompagnent, disent c’est chez nous, le plus souvent ne disent rien, insistent par câlins ou parades nuptiales. On connaît, on ne s’en laisse pas compter, on reprend nos habitudes.

non mais.

Ma fiancée veut tout le temps me recoiffer, m’ébouriffer, me faire quitter cet apprêt qui me donne l’air de ce que je ne suis pas. Je lutte, je lutte vraiment, m’emporte, ne touche pas mes cheveux, merde. Quand j’enlève mon casque de vélo, ma tête est plus acceptable, semble-t-il, pour elle. Ce qui ne va pas c’est que je me coupe par économie les cheveux tout seul. Vieillissant, de face, je fais dix ans de moins, de dos, mon âge ou plus. Les cheveux ont toujours été un souci. On en fait ce qu’on veut, courts, longs, peignés ou pas, ils confèrent l’atour, la mode, le raté, le ringard au visage qu’on pense immuable. Tu parles. Il faudrait oublier ses cheveux. L’histoire des cheveux.

Dimanche 20 août 2023, course vers 10 h 30, 2 heures, même parcours. K. est là, après le troisième tunnel, avec un casque de vélo, sac marron qui masque, protège sa bouteille au chevet de son banc, debout, en train de donner des instructions ou de compter les mouvements à des types qui font des agrès de musculation. Je m’arrête, prononce son prénom, aussitôt, sans me reconnaître, il s’avance, je tends la main, mais il me fait une accolade et me tapote le dos, je suis explosé de chaud et de transpiration et lui a une haleine vineuse, vers 11 heures. Il dit qu’il n’est pas tout le temps là le dimanche parce que (il me ressert le même prétexte) il est en rtt !!! Il est content, on se souhaite une bonne journée. Tout de même sur cette coulée verte (nom horrible qui donne envie de changer de parcours), hormis les couples avec poussettes, beaucoup de gens seuls : un type maigre qui marche en lisant, un Chinois qui étudie une plante ou fait semblant, il est toujours près de la même plante quand je reviens, mais étudie son porte-clefs, des femmes plus très jeunes seules qui s’obligent à des sortes de promenades de santé, nombreux types un peu vieux assis sur un banc, devant leur téléphone ou qui regardent ; comme la passerelle André Léo est fermée, il faut passer par le jardin de Reuilly où seuls, sur des serviettes, ici et là, un homme, une femme prend un bain de soleil, deux femmes asiatiques (vues la semaine passée) font du taï chi à mains nues puis avec sabre, puis les chiens.

Grande course à vélo. Parti au Vert-Galant en Rer-B pour l’achat d’un Motobécane des années 70, guidon course, et retour par le chemin de halage le long du canal de l’Ourcq, par Sevran, Bondy, Pantin. La selle, mal vissée, s’est enfoncée. Tout le long, promeneurs rares, coureurs, gens qui ne sont pas partis en vacances, enfants qu’il faut sortir ; à un moment, seul, un type en slip, vêtements pliés sur le porte-bagage de son vélo, prend le soleil debout près de la berge. Tout le long, retrouver odeurs de plantes, chèvrefeuille surtout, et celles des buissons de bords de l’eau. Avec le soleil, la poussière du chemin ou le goudron sec de la route, les badauds, les cités aperçues, c’est tout l’ennui de la banlieue qui remonte de l’enfance. Le vendeur du vélo était allé, lui aussi, au lycée Voillaume d’Aulnay-sous-bois, il se souvenait de Bénelli, le surveillant général de l’époque ; évocation de la banlieue.

Dimanche 27 août, même parcours ; comme l’air est plus frais, grande facilité, peu de fatigue. Pas de K après le troisième pont (en fait, ce sont des tunnels ; on court sous les ponts). Les deux femmes asiatiques discutent, leurs bâtons et accessoires et sacs au pied d’un arbre ; quand je reviens, un grand jeune homme noir fait des mouvements avec elles, pas au point. Beaucoup plus de monde aujourd’hui. Nombreux coureurs, souvent par couple. Pour moi qui n’aime pas courir, les raisons que les autres ont de le faire m’interrogent tout le temps ; elles sont le principal attrait de ma venue ici. Courses au Monop, remonté le vélo et les courses.

C’est pareil. Tu meurs et il reste du parfum dans tes bouteilles. Et toutes tes casseroles, tes appareils ménagers mobilisés pour lutter contre l’obsolescence programmée sont encore là sur la paillasse. Mais tu es mort. Tes livres que tu ne voulais pas corner ni abîmer, que tu couvrais parfois de papier de soie sont là. Et pas toi. Ton piano, tes verres, tes draps de métis… et commence l’inventaire de ton testament. L’eau de toilette, les chaussures et les caleçons finiront à la poubelle. Donc quoi ? Use et parfume-toi.

Où suis-je ?

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