Vélo volé

22 Mai 2018 § Poster un commentaire

Pas là où il était dans la cour avec son U et son cadenas de cadre. Connerie d’anagramme. C’était un vélo mal en point, abîmé, affectif, comme le sont les vélos qui nous appartiennent depuis près de quinze ans, qui ont porté les enfants ; on y fait peu attention, on le répare (réparer une chambre à air sur un vélo hollandais réclame une grande patience sinon une formation), on le graisse, on l’essuie au printemps ; le carter du pédalier était cassé (une nuit, quai des Orfèvres, un policier inquiet de l’arrêt devant les services de police a aidé, en éclairant la chaussée de sa grosse lampe-torche, à retrouver un morceau de carter) ; sur trois vitesses, une seule fonctionnait ; pas d’éclairage ; la rouille avait gagné le guidon et une partie du cadre, les moyeux, les garde-boues. De minces consolations, en fait, parce qu’il roulait très bien.

Fenêtres ouvertes, l’orage hésite ce soir. Chaleur. En face, mère qui crie après ces enfants ; hurlement soudain : je vais finir par te tuer.

Lu Eric Laurrent, Les Découvertes. Continue Mircea Eliade et Tolstoï.

Pluie abondante, fenêtres ouvertes.

Dodge Charger, 1968

Méthode paresseuse : Ramasser dans chaque billet, comme en une corbeille, les fruits de sa promenade. (browser)

Agrégation de livres (et la bataille de Pharsale, en littérature comparée…)

Si encombré de ses pensées, si persuadé de leur netteté, et en même temps si convaincu de leur banalité, qu’il les jette sous forme de notes sans explications ni circonstances, rendant obscures des remarques certes personnelles, mais tout à fait limpides et accessibles. C’est ainsi qu’on livre des clefs qui nous ferment le monde.

Il a toujours pensé qu’il écrivait des chansons.

Si habité par ses pensées qu’il ne peut s’empêcher de les noter. Les glisser entre des chefs-d’œuvre pour les grandir.

L’Amicale des anciens auditeurs des cours de Roland Barthes au Collège de France

4 Mai 2018 § Poster un commentaire

Verre

Comment la conversation a-t-elle évolué jusqu’à évoquer Barthes ? A la petite table, il y a un an peut-être, sur quatre qui dînent, hasard épatant, trois (issus d’horizons différents et œuvrant dans des sphères plutôt éloignées) découvrent qu’ils ont suivi les mêmes cours au Collège de France. Avant-dernière année et dernière année inachevée. Cette coïncidence reste coite pendant des mois. D’ailleurs, qu’en faire ? Or, hier, Jean, qui ne se souvient pas forcément de tous les visages, prouve qu’il a bien reconnu celui qui le salue : oui, je te reconnais ; tu es l’un des trois de cette table qui avaient suivi les cours de Barthes. Significatif entre tous, le souvenir choisi assure une élection. Aussitôt, le regard déjà amical s’adoucit d’une intelligence. Savoir qui est l’autre. Le placer avec bienveillance, le caler avec pertinence dans un imaginaire intellectuel.

L’Amicale des boulistes, des joueurs d’accordéon, de l’origami, des donneurs de sang du secteur… (connotation ringarde, épatante ! le cercle, le club, la société, le cénacle, l’église, la coterie, la paroisse (le cours revêtait certains attributs de la messe : protocole, silence, étapes, pause, la voix, public, sacré, une religion de Barthes…). Auditeurs parce que souvent à l’heure, nous tombions malgré tout devant une salle comble et étions forcés de nous rabattre sur une autre salle qui diffusait la voix seule. On vomissait la double rangée de mémés qui squattaient les sièges de devant et la batterie de magnétophones et de dictaphones et tous les micros derrière quoi Barthes prenait place.

Pendant tout ce temps, assailli par le philosophe de bistrot qui emmerde tout le monde avec Lévinas, puis avec d’autres noms. On lui tourne le dos, rien à faire, il reste, débite ses phrases. Il est tard.

Vernissage de l’expo de Francesca. Russie. Grande tablée ensuite. Virginie et Philippe. Marie, Pascale, Pierre, Pierre L., Joël, Francesca, une de ses amies. Karen se montre à la vitre. Puis Balto, rejoindre Jean. Tard.

Histoire de mettre le nez dehors, allons voir les t.shirts à Uniqlo. Rien. Mais avant, tactique pour prendre un mouchoir vaporisé de notre parfum préféré, Lord George, chez Penhaligon’s ; même gérant à la fine moustache, toujours très maître de cérémonie des odeurs qu’il présente. A notre demande, il asperge une carte de visite. Carlotta est déçue. Puis, de lui-même, parce que nous ne reconnaissons pas la fragrance (c’est une ruse), il marche jusqu’au panier des petits mouchoirs et en vaporise un, de quoi nous faire une meilleure idée, assure-t-il (notre idée est déjà faite), tenez. Nous ressortons en fronçant les sourcils, nez sur la carte et dans le mouchoir en feignant de nous demander, en remerciant ; plus loin, hors de vue, nous exultons : Twin Peaks ! clame Carlotta. Le mouchoir, satiné, est décoré de jolis motifs géométriques. Sur le chemin, elle le place dans sa poche, puis enroule son agenda pour qu’il parfume son sac, enfin, après deux jours, l’étale sur son bureau ; il a perdu son odeur, pas sa beauté.

marché 8 mai ; Carlotta passe sa commande : des fruits. Soleil, ciel bleu. Boulevard presque vide. Gens aux terrasses. Le poissonnier, tout le temps qu’il répond à la question sur les harengs, regarde autre part, comme s’il ne s’en laissait pas compter par ce genre de petite discussion vaseuse, cependant qu’il écorchait un carrelet, tranchait des têtes.

Retrouvé, alors qu’il est devant le nez, qu’on y passe trente fois par jour devant, le tome II d’Anna Karénine, qu’on se rabat sur la préface du tome I (remarques sur le roman russe de De Voguë) en attendant je ne sais quoi, voilà le tome II, éditions Nelson ! Lu le tome I en Garnier flammarion. Le tome I, en Nelson, porte de nombreuses traces de lecture : phrases soulignées, passages cochés (on avait oublié). Carlotta propose de prêter, le temps de la lecture seulement, le ticket de l’entrée du musée de Nancy orné d’un dessin de Jacques Callot pour servir de signet. (dessin d’un homme-oeuf à la manière de Bosch). Ses menus souvenirs sis dans de petits objets.

The « Palmer » home, adresse livrée par un interméneute (pour reprendre le mot formidable d’Hervé Aubron) dans un commentaire sous l’extrait de la scène finale de Twin Peaks. (google maps, capture d’aujourd’hui 10 mai 2018)

La dimension méditation transcendantale des propos de Lynch corrompt son travail. On n’avait pas vu ça comme ça. Et des perspectives de sens se bouchent soudain.

Dodge Charger 1968

jeudi 17 mai, vélo, Pierre, A.M. et Marie déjà au Chai, rejoints par Pascale. Mazarin, retour de Bruno, convalescent (« impeccable! », « on n’a pas les moyens d’aller mal ! », ses phrases), puis Francesca et Joel et des amis ; Francesca, d’abord devant moi, fait permuter Pascale à sa place, cette dernière prend la mienne, histoire de changer d’angle de vue, sinon de point. A un moment s’approche quelqu’un qui peut-être salue, va s’asseoir, puis non, discute un peu, s’éloigne ; Pierre dit que c’est l’ancien mari de P. qu’il battait et qu’il ne fallait pas qu’il s’asseye.

retour de Florence

24 avril 2018 § Poster un commentaire

Entre les chefs-d’œuvre trop commentés, trop photographiés, se faufiler pour atteindre des coins de salle ou des salles presque vides afin de découvrir. Il y a quelques années, vu tous les Piero della Francesca (sauf celui de Rimini, renoncement devant les embouteillages, les plages, les gens). A Sienne, deux personnes seulement dans la grande Salle de la Mappemonde du Palazzo Pubblico. Découvrir la récente restauration de « L’Adoration des mages » de Léonard de Vinci aux Offices. Nombreux autres tableaux restaurés ou en cours. Et le « Tondo Pitti » de Michel-Ange, au Bargello. Ensuite, pas moins de deux églises par jour. Repérer les traits de Simonetta Vespucci dans les tableaux de Botticelli. Et les Bronzino. Et ce buste de San Lorenzo.

Et tous les Luca della Robbia.

Lévine, mélancolique dans le train ; mauvaise discussion avec son frère mourant qui repart contrarié.

Marché : 6 kg et qqs de rhubarbe, pamplemousse, gingembre, fraises, 5 kg de sucre. Discussion avec deux personnes, l’homme demande si je vais manger la rhubarbe ou en faire de la confiture ; la femme le reprend sur l’incohérence de sa question. Soleil. Peu de monde. Vacances.

L’absolue sécurité de la chanson de variété qui s’ancre ou l’est déjà dans notre esprit et qui chemine comme on le sait par cœur à son terme. Et qu’on réécoute encore. Permet de s’échapper, de penser.

Alexis Alexandrovitch chez l’avocat (qui attrape des mites pendant l’entretien !) dont la mise fait penser à un agent immobilier ou n’importe quel courtier actuel (description presque flaubertienne), l’avocat joyeux, victorieux. Imaginez James Fox ou Basil Rathbone en Alexis Alexandrovitch, moins Jude Law.

Durant toute la discussion

10 avril 2018 § Poster un commentaire

entre Lévine et son frère, crainte personnelle qu’un orage n’éclate, que le temps se couvre et empêche la fenaison. Souvenirs de Normandie, mes oncles qui inspectent le ciel, se concertent, s’interrogent : on attend ou on y va ? Va-t-il pleuvoir ? La récolte, bonne ou fichue, se joue maintenant. Fenaison des blés, louer les machines, rassembler les hommes qui vont aider sur les champs, puis il faudra rendre la pareille, aller sur leurs champs.

Puis journée de travail, Lévine à la suite de Tite, qui lui prépare sa faux, grande fatigue après la fauche du premier andain. Regards et commentaires des paysans en chemise blanche ou en caftan sur ce maître qui travaille. Pages formidables qu’on tardait à lire, qu’on ne voulait pas lire parce qu’on se souvenait de l’orage et de la pluie qui auraient pu tout compromettre, et c’était comme la peur de voir le méchant survenir à l’improviste pour ôter toute joie. L’écriture précise de Tolstoï donne partout valeur d’expérience.

Toute la matinée qui suit la lecture, comme libéré de la crainte de la catastrophe de cette pluie sur les prés de Lévine, soulagé qu’ils aient pu couper, qu’ils pu surmonter l’obstacle. Évidemment, il faudra ramasser. Les pages suivantes, sans doute.

Par la fenêtre de la salle B 30, faîtes des arbres, bourgeons éclos, les jeunes feuilles des marronniers de la cour, tombant encore, frêles, hirsutes, au vent ; soleil sur ciel gris.

Pages suivantes, magnifiques. L’averse qui les rafraîchit. Béatitude du travail, fatigue dépassée, disparition des pensées, le temps s’efface ; c’est déjà l’heure du casse-croûte (mes oncles disaient la collation), lui apprend Tite.

Mort de Frou-frou

11 mars 2018 § Poster un commentaire

Anna Karénine, la course, mort de Frou-frou : « Le fossé fut franchi sans qu’il s’en aperçût. Froufrou s’envola comme un oiseau plutôt qu’elle ne sauta ; mais en ce moment Vronsky sentit avec horreur qu’au lieu de suivre l’allure du cheval, le poids de son corps avait porté à faux en retombant en selle, par un mouvement aussi inexplicable qu’impardonnable. Comment cela s’étaitil fait ? il ne pouvait s’en rendre compte, mais il comprit qu’une chose terrible lui arrivait : l’alezan de Mahotine passa devant lui comme un éclair.

Vronsky touchait la terre d’un pied : la jument s’affaissa sur ce pied, et il eut à peine le temps de se dégager qu’elle tomba complètement, soufflant péniblement et faisant, de son cou délicat et couvert de sueur, d’inutiles efforts pour se relever ; elle gisait à terre et se débattait comme un oiseau blessé : par le mouvement qu’il avait fait en selle, Vronsky lui avait brisé les reins ; mais il ne comprit sa faute que plus tard. Il ne voyait qu’une chose en ce moment : c’est que Gladiator s’éloignait rapidement, et que lui il était , seul, sur la terre détrempée, devant Froufrou abattue, qui tendait vers lui sa tête et le regardait de ses beaux yeux. Toujours sans comprendre, il tira sur la bride. La pauvre bête s’agita comme un poisson pris au filet, et chercha à se redresser sur ses jambes de devant ; mais, impuissante à relever celles de derrière, elle retomba tremblante sur le côté. Vronsky, pâle et défiguré par la colère, lui donna un coup de talon dans le ventre pour la forcer à se relever ; elle ne bougea pas, et jeta à son maître un de ses regards parlants, en enfonçant son museau dans le sol. » (relecture)

Tous les chevaux de Tarkovski.

Relecture, Chesterton, (solitude du poète qui peut se passer d’entourage), (qui évoque la remarque de Sciascia, dans La Disparition de Majorana…) Une autre remarque : « Lorsqu’on n’a rien du poète, on a quelque chance d’être un poème ».

Massif Central, l’idée de centre chez les écrivains ; autre livre de Christian Oster, première page de Le pont d’Arcueil où le personnage cherche son centre de Sécurité sociale, « sur le chemin de mon centre ».

Ce matin, courir jusqu’au marché, le marchand polonais aux harengs ; goûté des sprats, cadeau d’un demi-pain noir.

Hier, Montmartre, au sortir de la station Anvers, remonter la rue de Steinkerque bourrée de touristes et, à vingt mètres l’un de l’autre, trois petits attroupements précaires et vifs autour de joueurs de bonneteau œuvrant  à même le pavé ou sur des cartons ; leurs comparses applaudissant, parmi eux, une jeune femme d’origine arabe, vêtue d’un tailleur, élégante, œil aux aguets et surtout coiffée d’un gros turban noir, uni, magnifiquement noué qui dégage son visage clair, et la fait ressembler à La Diseuse de bonne aventure de Caravage ou la femme chez Georges de la Tour, tableau du même nom. Emberlificotée dans les plis du tissu et la beauté de sa mise, la duplicité de sa présence. Elle ne ressemble à aucun des personnages des tableaux, elle les évoque plutôt (les complices sont appelés « barons »).

Tribunal, assisté à un procès en assises, ignorant les charges ; les entendre se définir à mesure des interrogatoires ; voir se distribuer les rôles parmi tous les présents, le parquet (ironie de plusieurs questions du président au premier témoin ; avocat général muet), les cinq prévenus, les avocats (l’un très rapidement jouant de la manche, phrases onctueuses, mouvements amples), l’huissier (presque triste, traversant plusieurs fois la salle, disparaissant derrière une porte du fond, revenant), la greffière, les témoins à la barre, le public de la partie civile, et même qui est qui dans le public autour.

Roman-photo Nous Deux, n°1909, bandelettes, yeux fermés. Portrait.

L’Express, Lire, Le Monde, Le Figaro, Le Magazine littéraire.

Ici, des pensées débraillées, mises en phrases, comme on remonte son col ou remet une mèche au sortir d’une sieste pour se donner bonne figure.

Ce qu’il y a c’est que depuis plus de trente ans tous les jeudis on se marre comme des treuils.

Il sort le jeudi. Uniquement. Rentre avant tout le monde.

 

L’immense regret qui me conduit sur le chemin de chez moi

4 décembre 2017 § Poster un commentaire

sort le 4 janvier 2018 aux Éditions Phébus

mettre sa plus belle robe C’est une joie. Je m’entraîne.

A la réception !

Sander, August,
Turkish Mousetrap Salesman, 1924-30

Il faut une photo. Celle ci-dessus , la plus ressemblante.

Je n’en dors pas. J’ai des idées tout le temps. Je m’entraîne. Je serai prêt.

Mercredi 6 déc, ouvriers qui vident toutes les caves depuis des jours. Notre immeuble vendu à la découpe. Les caves également. Se retrouvent dans la cour intérieure des monceaux de montants de literie, de tiroirs, de baguettes de bois, de planches, des malles en métal, une statuette africaine cassée, un ballon de basket dégonflé, des étagères, des barres : tout ce qui a été placé à la cave, que les habitants d’ici comme partout ne voulaient pas jeter, qu’ils ont laissé mariner à l’ombre, et qui s’est altéré, désagrégé, qui a pourri, sent le moisi, et qui ne servira plus. Mais c’est du bois pour la cheminée. Avec Carlotta, nous remontons des sacs, des caisses de bûches ; je scie dans la cour et elle remonte les sacs. On en a plein les bras.

MUCEM Jean-Marie D.

Carlotta, genouillère, claquage, ascenseur au lycée, pas de livres pendant deux semaines. Felix culpa.

Déjeuner à la Fresque, Hervé A. qui, en fin repas, rencontre un ami qui dégaine une boîte d’allumettes aux armes de Twin Peaks dont nous avons parlé tout le repas. Anecdote de Hervé sur Bob, sur la propriétaire de la maison dans le dernier épisode. GOTTA LIGHT : la bombe atomique.

Commencé Lao She, Quatre générations sous un même toit (3 tomes) ; pause, lis et termine un roman de Fang Fang, Une Vue splendide.

Promenade dans le Marais, cherché le nom d’un parfum (nous étions, avec Arthur et Carlotta, passés devant un parfumeur qui offrait des petits mouchoirs en satin tous parfumés, passant et repassant nous en avions pris quatre ; Carlotta a suivi plusieurs épisodes de Twin Peaks dans les effluves de ce mouchoir ; lorsqu’elle aperçoit le mouchoir à présent, qui ne sent plus rien, le parfum et la série de David Lynch reviennent associés ; bref, cette après-midi, prenant le chemin de la boutique, la décision est prise de recoller les morceaux de sa mémoire en mettant un nom sur ce parfum ; c’est chez Penhaligon’s, le vendeur, gentleman et patient, vaporise une languette de carton blanc, puis une autre et une autre. Carlotta ne reconnaît pas. Il porte une moustache très travaillée, comme celle de Dali. Nous essayons de nous rappeler la date de cette distribution de mouchoirs ; inutile, c’est une opération commerciale qu’il renouvelle avec chaque fois un autre parfum. Carlotta croit se souvenir que c’était avant les grandes vacances. Non, il ne sait pas. Nous reniflons le parfum de Churchill, non. Nous repartons avec six languettes blanches parfumées et un mouchoir qu’il vaporise. A ma demande, il a copié de sa belle écriture (il a été graphiste, avoue-t-il (tout se veut, dans ses façons comme dans sa vêture, dans son discours comme dans son bon ton, élégance et raffinement, onction de la rareté, image de la boutique, une idée du beau, qui fait sourire Carlotta)) le nom des parfums sur quatre languettes. Dans la rue, plus loin, plus tard, l’une des deux languettes dit quelque chose à Carlotta. Ou plutôt, concède-t-elle, ayant porté à sa narine la languette, sans savoir pourquoi elle a pensé à Twin Peaks. Révélation. C’est celui-ci, c’est ce parfum. Seule de toutes, cette languette est sans nom. Nous y retournons. Lui, alors, d’un petit frémissement de narine, dit c’est Lord George. Le prix du flacon, surmonté certes d’une tête de cerf dorée tournée à la main, nous laisse pantois. Il parfume Carlotta et nous repartons sans hésitation ni regret ni promesse. Gâteaux chez Marianne.

Bug sur Amazon, me prévient-on, le livre est prévu pour le 1er avril !

lecture Lu-Xun, La Véritable Histoire de Ah Q.

Lecture, relis Jeou-P’ou-T’ouan ou la Chair comme tapis de prière, de Li-Yu, trad. Klossowski. Retombe sur la p.86 pour ses blancs, dont Carlotta m’indique qu’elle les voit, les devine également dans le corps des signes d’une page de livre. (reprendre l’idée et l’achever).

Terminé article sur le roman-photo. Idée répandue partout que les intellectuels méprisent et moquent le genre ; sous-texte : ils ne comprennent rien du sensible, vaquent dans le monde éthéré des idées.

On ne vieillit pas au bistrot.

Carlotta a 15 ans.

Le roman-photo ne regrette pas l’état du cinéma. Le programme de désirs ne suscite pas les mêmes ambiguïtés. Toujours dans la définition d’un art (nouveau ou pas), le ou les emprunts faits aux autres arts, ce qu’il leur doit, et finalement ce qui lui manque. D’un côté, les arts entiers, pleins, de bonne constitution, et les arts bancals, dits mineurs.

Pas d’ordi pendant une semaine.

Relu cinq romans de Manchette ; y retrouver les traces d’Echenoz.

Lecture de Chi Li, Triste Vie, de Fang Fang, Début fatal.

Repris Lao She, et avant et pendant le livre de Hervé Aubron sur Mulholland Drive, film de D. Lynch.

Deux nuits de fièvre ; curieusement dans la journée, presque guéri ; mais aujourd’hui non, reprise, mal à la gorge, aux cheveux. La nuit, presque en délire, grosse activité cérébrale, pas seulement des souvenirs (fièvre de Raskolnikov ; je m’appuyais sur deux fièvres littéraires, j’ai oublié la seconde), souvenirs d’autres fièvres, enfant ; et donc surtout élaboration de la structure du prochain roman, avec événements, phrases (au matin, presque tout est oublié). Reste ça : j’étais au comptoir, accoudé devant mon corps. Troisième nuit fièvre. Sortie courte, Pierre L. et Pierre. cent vingt, presque impossible. Beaucoup de salive régurgitée, obligé, mal en avalant.

Récit d’une vie fugitive

30 octobre 2017 § Poster un commentaire

Chen Fou.

Une journée à Nancy. Voir Gabriel.

Nouilles Biang Biang, au Petit resto de Pyngyao Yvonne Craig

Showtime : Twin Peaks-The Return

10 septembre 2017 § Poster un commentaire

Carlotta : Comme il a vieilli ! Et elle, oh là là !

Jeu des reconnaissances tout le temps retrouvé de la saison 3. On soupçonne des irruptions de vie réelle dans la fiction : des disparitions réelles de comédiens qui transforment l’histoire, modèlent les situations, expliquent des retraits. L’enquête originelle sur le meurtre de Laura Palmer est un générique. Petite graine et électricité : comment naissent et disparaissent les personnages, comment passent-ils d’un monde à l’autre. Jusqu’à la scène finale, élémentaire et fabuleuse : « En quelle année sommes-nous ? » (« what year is this ? »), comédiens-personnages cherchant leur décor, la maison des débuts.

Geste retrouvé sur plusieurs bouddhas ; révélation de Carlotta à Xi’an. Sa préférence pour les couleurs denses et saturées des deux premières saisons.

Réveille-toi, Dougie Réveille-toi Ah ! enfin, il se réveille.

Et la musique reprend.Puis, plus loin, en noir et blanc, fin du 17, repris dans le 18, Orphée conduisant Eurydice, Dale Cooper conduisant Laura Palmer, se retournant pour vérifier qu’elle est toujours avec lui alors qu’il lui tient la main ; jusqu’à ce qu’il voie qu’il ne tient rien. Qu’il faut aller la chercher plus loin et autre part.

Moments préférés de Carlotta qui en connaît tous les détours. Les rideaux rouges.

Joie de l’argent, joie de gagnerLe temps passe comme il peut.

Il change les légendes des photos et les publie ainsi, répandant de fausses dates sur des événements, d’autres noms sur des visages, ajoutant à la confusion, brouillant des pistes. Il crée des personnages et des lieux de fiction et des situations fausses. On vient quand même souvent ici pour s’y reconnaître, combler une lacune, les paroles d’une chanson, un nom sur un visage.

 

慈禧 Cixi-乾隆 Qianlong

1 août 2017 § Poster un commentaire

Concubine Xin《心写治平》忻嫔部分

Jeux de cartes, 10 yuans, avec figure des empereurs.

Que rapporter d’un périple ?

Des vues de touriste. La rue grasse et bruyante de Wangfujing, scorpions en brochette, nouilles, yaourts, glaces, pommes de terre ciselées sur un pic et cuites façon chips, qui évoque la rue Bon-Augure de Chi Li. Les rues défoncées de Datong. Paysages vus du train, partout groupes d’immeubles de trente étages sans carreaux et vides. La Cité interdite sent les écuries. Gousse de glycine prise sur l’un des arbres séculaires dans le temple de Confucius. Relu Lao She, puis L’ivrogne dans la brousse, puis Balzac. Des gens sans frères ni soeurs. Chaque soir, traquer notre série télé sous-titrée en anglais du respectable et silencieux moine bouddhiste et de ses disciples Porc, Singe et Poisson qui finissent récompensés par un dodu Bouddha et deviennent Bouddha, sauf Porc qui doit nettoyer et pourra manger les restes, puis un film avec Jackie Chan, trois soirs de suite. 200 chaînes. Une chaîne vouée aux plafonds des pagodes, à l’assemblage des consoles et des charpentes. Chaque soir, vouloir en faire l’inventaire, entre télé-achat,  jeux, émissions culinaires, films TV sur l’une des deux guerres sino-japonaises, talk-show, opéra, drames sentimentaux sur fond de révolution culturelle, et puis wuxia. Renoncer. Vu film en couleurs des années 60 ou 70 ou 80 ou 90, en chinois, quatre puis cinq enfants traversent des contrées, pratiquent le Kung-fu, en font une démonstration devant des lamas, repartent, fuient, sont capturés par des bandits qui jaillissent de la neige et les saisissent et les ligotent et boivent ensuite, c’est alors qu’une mère puis des villageois les sauvent après des combats. Impossible de connaître le titre : très beaux plans, visages, campagne. Un soir, grande place de Datong, cinéma de plein air, film couleurs années 60 ou 70 ou 80 ou 90, une guerre, querelles entre soldats, bagarre devant un train, une femme-soldat photographe, là encore, vision comme issue d’un rêve, ou un film d’enfance, vu il y a longtemps, dont on se doute, comme pour le premier, qu’on ne comprendra pas tout, qu’on ne pourra pas le revoir, qu’il a le statut des gens qui passent dans les rues. Difficile de suivre, un magnéto dispense une musique de variété à fond pour trois puis quatre couples qui dansent devant un public peu nombreux ; les hommes vêtus de noir font de grands gestes saccadés moitié rock moitié flamenco, tous ensemble ; les femmes, d’un certain âge comme leur cavalier, vêtues avec style, ou plutôt un apprêt. Ils dansent avec emphase et beaucoup de plaisir. Danser en public est très intéressant. Au même moment, ne cessant de faire le tour de la grande place dans tous les sens, disparaissant à un angle, reparaissant par une autre rue, au pas de course cadencé par des chants, une troupe en rang de trois, les premiers vêtus de t.-shirt bleus, les derniers non, pratique une manière de gymnastique collective et fend la petite foule des promeneurs et des enfants qui ont loué de petites voitures lumineuses électriques en forme d’animaux ; tous circulent dans une chaleur étouffante. Thé au chrysanthème à la terrasse du restaurant qui surplombe tout, et la situation du film se perd, la femme-soldat est tombée, ses cheveux dissimulés par une casquette sont découverts par un soldat qui a le choix sans doute entre la dénoncer ou l’aimer ; le visage de la femme. Ils ont monté l’écran pour la projection du film à deux : un homme et une femme, laquelle, étrangement, a gardé son sac à main tout le temps de l’édification de l’écran déballé en kit d’une camionnette, sac qui lui tombe de l’épaule à tout instant mais qu’elle conserve et qui la démarque socialement. Ils sont aidés par des gens quand il s’agit de hisser l’écran. Il y a du vent, mais ça tient. Idem pour les enceintes reliées à des fils tirés d’on sait où et qui diffusent le son.

Nombreux compléments du nom et des libellules. Premier jour : Shichahai, bords du lac Qianhai, pont du lingot d’argent ; deux policiers demandent de circuler. Coucher de soleil sur le lac.

Vu poissons rouges. Dans quel bassin ? Quel temple ?

Cure : Xu Jinglei, Takeshi Kaneshiro, Jet Li, Andy Lau  dans Les Seigneurs de la guerre. Ip Man (avec Donnie Yen), Ip Man 2, Ip Man 3 (les deux). A Touch of Zen. Wu.Xia.-.Swordsmen, avec Takeshi Kaneshiro et Donnie Yen. Yu-Hsun Chen. Wing Chun, une comédie avec Donnie Yen et Michelle Yeoh ; revoir A touch of Sin, A Battle of wits, Les trois Royaumes avec 赵薇, Zhao Wei, qu’on retrouve dans Mulan. Sur Youtube, des films des années 50, 60, découvrir Raining in the mountain (avec Hsu Feng, vue dans a Touch of Zen)(prière des moines devant le bain des femmes), The red detachment of women, Dimanche à Pékin, de Chris Marker… Happy Times (adapté d’un livre de Mo Yan), de Zhang Yimou… Reign of Assassins (« Je veux me réincarner en un pont de pierre et subir le mauvais temps pendant cinq cents ans… »)… Un site http://www.chinesemovies.com.fr., donne de larges extraits, parfois des films complets et analyse et présente en français, contrairement à ce qu’annonce le titre ; son pendant en littérature : chinese-shortstories.com, également en français.

Même hybris dans les films de wuxia qui se soldent chez les mauvais par leur perte ou leur ruine ; ils chutent ; le héros, lui, tombe, mais rebondit, connaît une phase de purgatoire, la reconnaissance de la vraie voie (la nature, la nation, la famille…) au terme d’un stage accéléré à la campagne, dans le deuil, auprès d’un sage ou tout seul, puis le rachat. Nombreux aveugles.

Les Rembrandt au Musée national.

A la télévision, mesures prises pour la tenue des hutongs. Autre émission vouée aux drames de la circulation, alcool, accidents.

Très vite, découverte de Miniso, le premier en face de la tour Omega à Wangfujing, plusieurs magasins en revenant vers Dengshikou. Xi’an, idem. Une variation coréenne à Muta : Mumuso. Miniso : cosmétiques, connectiques, peluches, coques, lampes, le même dans Nanluoguxiang bondé (South Luogu Alley), pour revenir dans Banchang Hutong à l’hôtel Lu Song Yuan. Temple du superflu, Miniso ne vend que de l’accessoire beau et bon marché. Beau, c’est-à-dire que tous les produits sont doux aux doigts, les plastiques sont presque duveteux, les couleurs souvent pastels n’offensent pas ; beaucoup d’objets vendus sous emballage embouti, protégés ; produits également bien clos sur eux-mêmes, estampillés du nom de la marque et présentés dans leur simplicité de naissance, sans vis ; de nombreux coussins pour avion très mignons (cf. Okja, la présidente et son coussin d’avion Burberry).

Nord-Sud-Est-Ouest, les rues, les lieux, utilisation fréquente de la boussole. Les odeurs, les textures. Les apparences : visqueux, poreux, poussiéreux, lisse, brillant, satiné… nom d’une couleur d’un certain jade : blanc graisseux.

Juxtaposition. Barre d’immeubles pauvres dans le quartier de la tour CCTV, dans les rues. Problèmes de riches qui se soldent par des agrégations de magasins en mall. Étage de restaurants à Wangfujing. Plusieurs immeubles collés reliés par des enfilades de magasins luxueux. L’urbanisation pense à l’argent.

C’est ainsi qu’on voyage, comparant, généralisant, rapportant à soi et devenant spécialiste en quelques jours de vastes et anciennes contrées. Apprendre le caractère « porte » en mandarin, en cantonais, le prononcer, le rapporter à des mots reconnus dans le métro. Leçon de prononciation sur une autoroute du Shanxi. Et, au détour de nombreux champs, parfois regroupées aux abords d’un arbre, des tombes : une stèle et un monticule de terre presque conique.

Quartier des calligraphes de Xi’an, de Pékin (une file de rickshaws chargés de touristes chinois, leur sonnette).

Toujours trente degrés, parfois 35. Dégoulinons, suons, poissons tout le jour. Bouteilles d’eau de la marque C’estBon à étiquette verte.

Séance de photos au Palais d’été : 4 ou 5 femmes demandent à se faire photographier avec Carlotta, ensemble puis les unes après les autres. Le paysage entier est une carte postale. De tous les côtés, le lac et ses lotus en fleur, le pont, l’île, les bateaux, les palais, les consoles, le paysage est un souvenir à immortaliser. Elles tiennent chaque fois à adopter une pose identique avec le lac en arrière-plan : un bras dans le dos de Carlotta, elles tiennent tour à tour sa main pour former une anse. Carlotta s’oblige à sourire de ce manège. Elle a l’habitude. Plus tard, sur le bateau, un petit garçon résiste, n’ose pas, puis, poussé par sa mère, demande également à être pris à côté de Carlotta. Tout le temps, partout, du premier jour au dernier, même demande. Au Palais du Ciel, le petit monsieur vendeur de courges séchées veut une photo ; il offre ensuite une de ses petites courges.

Assiettée de 20 dumplings.

Fontaines de vinaigre dans les rues de Pingyao. Nouilles biáng biáng, trois fois de suite au Petit Resto. (le caractère biáng et ses 57 traits).

Musique entêtante toujours la même diffusée par un petit poste qui produit en même temps des éclairs lumineux hypnotiques et auréolent un Bouddha dans de nombreux temples. Qu’on n’aime d’abord pas. Puis qu’on chante. Qu’on filme.

Assis sur un des tabourets d’une petite boutique, regarder passer les gens, se démener un petit véhicule de balayeur qui fait demi-tour, un Européen seul, rouge, en sueur qui demande la direction du Temple de Confucius ; il est trop tard pour l’entrée, on ne dit rien, on n’est pas sûr, on dit à 200 mètres ; le même quelques minutes après en sens inverse.

Le temps de ne rien faire, de traîner dans les rues de Pékin, sans rien visiter, s’asseoir sur des marches et regarder passer les gens, idem à Xi’an. Ou bien visiter de haut en bas la grande librairie sur Wangfujing, sept ou huit étages, et tout en haut instruments de musique où une jeune fille essaye un violon devant sa mère et un vendeur, et joue avec coeur. Enfiler les hutongs. S’y perdre, s’y retrouver, s’y faire conduire par une vieille dame jusqu’à la maison de Lao She (fermée jusqu’en 2018, mention traduite par deux filles venues visiter aussi et qui se sont cassé le nez sur la porte close et l’avis). Tomber sur un musée de quartier un autre jour sur la vie dans les hutongs, l’architecture d’un siheyuan (si : le chiffre 4), découvrir que le dit hutong date de la période Ming.

Le rapport subi, direct, implacable, omniprésent de la loi et donner l’apparence du contraire. Ne pas la donner, vivre comme on a toujours vécu.

Le sourire de Lily, noté par les clients.

Croiser, au moins deux fois pour qu’on puisse dire plusieurs fois et s’en faire une généralité, une famille française composée de la mère, du père et de trois enfants (une grande fille, une moins grande et un garçon), chaque fois sacs à dos, chaque fois homme sec et sympa vêtu d’une chemisette à carreaux ; très unie, très déterminée ; retour Pékin, discussion avec le père dans la file d’attente au guichet des tickets de métro : ils ont fait Pékin-Xi’an assis, 13 heures de train, mais ont joué aux cartes avec des voyageurs. Dans le métro, ensuite, même direction, même correspondance et même station finale, mais eux très mobiles disparaissent dans la foule des passants.

A travers le pare-brise, Mr Wong aperçoit quatre chiens, les pointe du doigt : « des chiens sans boss ! » Il indique également, en passant devant, la vieille centrale à charbon encore en fonction, construite il y a 60 ans, grande route défoncée sale, noire, nombreux camions énormes noirs. Il a plu et les fondrières sont pleines d’eau ; il les évite du mieux qu’il peut et le petit bouddha dont la tête est montée sur un ressort qui décore son tableau de bord ne cesse de hocher. Tous les objets du tableau de bord sont collés avec du scotch double face : gros réveil à aiguilles, carnet, Bouddha donc. Tout à l’heure, à vingt à l’heure sur l’autoroute à huit voies presque déserte, il a roulé au milieu tâchant d’éviter les inondations du bord ; un paysan sur le bas-côté occupé à ouvrir une brèche dans le remblai pour irriguer les champs, délester la route. Il ne parle que d’argent. Eclate de rire en indiquant une voiture à trois roues. Lendemain, toutes les rues autour de la gare de Datong sont inondées, comment traverser ? Ôter les chaussures. De l’eau au-dessus de la cheville.

Tous les véhicules étroits, faits pour les hutongs. Dispute entre deux automobilistes dont les véhicules sont nez à nez à l’entrée d’une ruelle.

Retour sur les bords du lac Qianhai ; assis sur des marches. Un mendiant véhément, il faut s’écarter, se lever. Autour d’un kiosque, petite foule de gens qui entoure un orchestre : Erhú (violon à deux cordes), une flûte, des petites cymbales, un gong à main qui distord ou arrête les notes, des claquettes (kuaiban ?), un autre instrument de percussion, un chanteur. Des intensités, des accélérations, mais tout nous reste abstrait sinon cacophonique. Plus loin, des baigneurs, une pancarte interdit la baignade ; un homme crie, appelle à la baignade ; il fait très chaud. Promeneurs nombreux ; toujours nombreux policiers, nombreux balayeurs.

Fenêtre ouverte. Toute la journée, la mère vocifère et dispute ses enfants dans l’immeuble en face. Évidemment, avec la distance, impossible d’entendre les paroles douces et peu sonores qu’elle doit leur dispenser. Cependant les enfants pleurent très souvent.

Véronique Sanson.

Belle lune ronde ce soir.

8/8. Il y a quelques années, il a cru parfois, il croyait parfois qu’il pouvait présenter bien, être bien ; à cette fin, il s’était acheté une chemise à motif vichy bleu qu’il a mis peu. Il la retrouve bien repassée au fond d’un carton parmi des souvenirs, l’essaye ; sa coupe est passée de mode. Il ne se rappelle pas du tout à quelle période de sa vie la chemise correspond.

Il pleut doucement.

Le 15 août à Castorama. 2 caisses ouvertes, un vigile, un pompier, une dame au rayon des peintures, deux hommes de l’Est soupèsent des outils, un couple (frère-soeur) à la caisse (lui l’air ennuyé, contrarié, la jeune femme paye, il porte), un type à la peinture se fait confirmer que l’ensemble rouleau-perche est efficace, un gros présente un vernis au vendeur, s’est trompé, c’est pour meuble, lui veut pour parquet ; un autre étudie longuement les vernis teintés, une femme les décapants universels, une autre retrouvée à plusieurs rayons, lit, compare, ne demande rien. Retour en vélo, doublé deux, trois, quatre fois, sans doute plus sur le boulevard vide. Peindre ensuite avec Jan Blanc et « Le mystère Vermeer » (débuté à Helsinki mais pas fini (quatre parties, n’écoute que les deux premières avec Jan Blanc, formidable, la troisième amenée par un certain philosophe pesant, approximatif, qui lit son texte, trop satisfait de lui (« c’est ainsi que je vois ce tableau ! ») fait lâcher l’écoute)), puis L’Iliade racontée par Philippe Brunet formidable sur France-cul, L’Odyssée racontée par un écrivain ne marche pas. Il est temps vers 18 h d’un peu d’animation : le ciel noircit, il va pleuvoir, peut-être tonner.

Faite d’arrachements parce que, quoi ? on connaît toutes les notes… Non… On ne connaît parfois pas précisément à quel passé appartient tel ou tel tube de variété… faite d’arrachements au passé, la musique… elle verse dans la mémoire ses séquences… On les attend, on les retrouve. On est touché. Notre coeur se déchire. Sentimental.

Un seul texte, à y penser pour alimenter le propos, produit, réserve un effet de retour ; très différent dans l’impact et le rattachement à quelque passé parce qu’on l’a lu seul et que le moment de sa lecture s’est perdu sans regret (i.e. qu’il ne s’accompagne pas, comme pour la musique, de tristesse du temps révoqué) ; il s’agit du passage des Confessions dit « l’idylle aux cerises », lui-même déjà souvenirs pour son auteur.

Les labos travaillent à ôter l’odeur de la peinture. L’étiquette précise, sans odeurs. Insidieuse et présente, celle du blanc de chez Tollens emplit l’appart. Terminé la première couche avec la mort d’Hector.

Lis Le Pays de l’alcool de Mo Yan.

On ne sait jamais comment faire avec lui, comment se comporter ni même comment lui faire plaisir. On finit par ne plus le voir et on attend des mois des nouvelles qui ne viennent pas. On se prend alors à en demander et c’est avec la plus délicate attention qu’on se lance à évoquer son travail, alors, ça avance, ou bien tu avances. Alors, lui, dans une sorte de furie…

C’était un très gros morceau de viande et il n’avait pas sous la main de quoi le sectionner pour en faire plusieurs bouchées. Les dents, moins coupantes qu’il espérait… Il avait commencé à avaler la partie la mieux mâchée tout en continuant de tenir devant la bouche la fin… s’il s’étouffait, il n’aurait qu’à tirer d’un coup pour dégager la gorge… Il aurait dû boire avant ; la viande avalée n’allait-elle pas adhérer et, en revenant, arracher à sa position l’œsophage… d’un coup d’un seul, il allait aussi bien s’éviscérer… un nerf, voilà ce qu’il percevait entre les doigts, un nerf, c’était depuis le début, un nerf qui parcourait ce grand et large morceau de viande et qui avait empêché qu’on le coupe ; il avait pu avaler et déglutir une partie du morceau de viande qui avait pu poursuivre son chemin… relié par ce seul nerf… une partie dans le ventre, ou bien avancer dans le ventre, l’autre dans la bouche et une autre pendant des lèvres… il n’avait plus faim…

Comment éviter à cette histoire les lourdeurs du genre où elle s’inscrit ? On ne le peut tout simplement pas, sous peine de sortir du genre, de détruire l’histoire.

Aura-t-on assez de temps pour se lancer dans l’écoute de Daniel Arasse et ses « Histoires de peinture » ?

Le jeu consiste à détruire les éléments constitutifs du jeu en cliquant sur des endroits particuliers, subtilement et agréablement répartis sur l’écran, jamais les mêmes d’une partie à l’autre. C’est très prenant parce que simple et récurrent. Et le sentiment d’un accomplissement accompagne toujours la fin. Le jeu permet de faire tout autre chose en même temps, penser par exemple.

Le riz, on en fait toujours trop. Genres de phrases qui plaisent, vont comme des gants à toute heure du jour, ne mangent pas de pain. Sociologiquement assises dans un réel de bon aloi, elles ouvrent de ces petites vérités et rassasient l’esprit d’un coup, suscitent le sourire. « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée… »

Ces matins

5 juillet 2017 § Poster un commentaire

de petite fraîcheur quand la rumeur de la ville a changé : un klaxon, une planche de chantier, une sirène, un moteur résonnent dans la clarté. On reconnaît juillet. Hier vers 14 h à République, un soleil plus exact sur les immeubles et la statue.

C’est la somme de ses petites phrases qui donne au penseur pertinence et crédit. On sait dès lors qu’isolée une phrase comme celle-ci ne mène à rien.

Procéder par insistance, permanence : l’étude.

Un roman à saveur autobiographique.

jeudi 6 juillet, dernière terrasse avant vacance. Parti tôt ; expo au Balto de photos de famille du siècle passé encadrées, des gens souvent seul, portrait, rehaussés de rébus à déchiffrer et qui les définiraient, les décriraient, en parleraient de biais ou prendraient prétexte du cliché et l’artiste, Isa Kaos (Isabella Chiariotti), présente, aide deux copines à trouver les solutions, données par ailleurs au dos des cartels.

Samedi 8 juillet, 4 h 50.

Les grandes affaires (le sommeil, les femmes…) comme l’ivrogne. Livre cherché dans la bibliothèque comme l’Ivrogne.